Bonne année à tous les gens qui passent par ici, et aux autres ! Je vous souhaite bien sûr une bonne santé (parce que c’est quand même le plus important), de la réussite dans vos projets personnels et professionnels et aussi de tenir vos résolutions de nouvel an (c’est le plus dur, je pense).
Je vais commencer l’année par deux billets de deux demi-déceptions. J’espère que cela sera pour mieux rebondir après.
J’ai acheté Archives du vent de Pierre Cendors dès sa sortie parce que Pierre Cendors mais comme j’étais fatiguée, je me le suis gardée pour mes vacances. Si vous suivez depuis un peu le blog, vous savez que j’ai adoré les quatre premiers livres de l’auteur non seulement pour l’écriture magnétique et hypnotisante mais aussi pour les histoires qui sont toujours fascinantes, basées sur le thème du double, de l’absence, des coïncidences et de la disparition.
Pour ce cinquième roman, il n’y a qu’un de ces deux éléments, l’histoire mais pas l’écriture, d’où ma semi-déception.
Commençons par l’histoire. Egon Storm est inventeur du Movicône, procédé cinématographique utilisant les archives pour faire jouer à un acteur un tout autre film que ceux dans lesquels il avait joués. Le réalisateur a fait trois films selon ce procédé, trois films qui semblent adulés plutôt par les connaisseurs, puis s’est retiré. C’est le directeur de salle Karl Oska, ami du cinéaste, qui a été chargé par une lettre de l’exploitation de ces trois films où il lui était expliqué qu’il les recevrait à intervalle régulier, tous les cinq ans, puis recevrait une dernière enveloppe explicative. Dans cette lettre explicative, sous forme de testament audio, puisque le réalisateur s’est définitivement retiré en Islande, Egon Storm fait mention de l’existence d’un homme Erland Solness, qui aurait influencé sa carrière. Karl Oska va chercher à en savoir plus sur cette homme, surtout qu’il reçoit un message téléphonique de cet homme et qu’il n’arrivera jamais à le rejoindre. Je ne sais pas si je suis bien claire mais en gros, un réalisateur atypique et mystérieux entretient un peu le mystère en utilisant un ancien ami et en parlant d’un ami d’enfance dont personne n’a jamais entendu parler mais qui pourtant aurait eu une influence sur son travail artistique.
Commence alors toute une série de fausses pistes entretenues par l’auteur, des intrications d’histoires vraies ou fausses pour finir par un dénouement que personne n’aurait pu deviner, surtout pas le lecteur. On passe par de fantastiques passages en Islande, en Allemagne, en Irlande. Si vous aimez être surpris, l’histoire est géniale. Le problème est que personnellement, je ne suis pas du tout cinéma, que les procédés de création un peu novateurs me laissent complètement froide. Je me suis ennuyée à chaque long passage de description des films (et pourtant il n’y en a que trois), de comment et pourquoi Egon Storm a créé ses œuvres …
De nombreux passages m’ont plu, j’y ai retrouvé tout ce que j’aime chez cet auteur. D’autres m’ont totalement déplu et je me suis ennuyée. Ces passages m’ont progressivement fait perdre tout intérêt pour le livre, m’ont fait perdre le goût de l’écriture de l’auteur (j’étais beaucoup moins fasciné que pour les romans précédents). Je maintiens que l’écriture de ce roman est différente des précédents. Il n’y a pas qu’une question de thématique.
J’assume cependant le fait que le livre m’ait déçue par son thème cinématographique. Un autre lecteur, plus intéressé, trouvera sûrement son compte dans ce roman. On peut pourtant souligner l’imagination de l’auteur et le travail d’édition des éditions du Tripode pour faire coller l’objet livre au thème du roman (et puis la police et le papier sont agréables à la lecture, ce qui ne gâche rien).
En décembre, j’avais repéré qu’un autre livre de Pierre Cendors était sorti cette année, une sorte de carnet de voyage islandais. J’ai été spécialement le chercher à la librairie et j’ai même embêté le libraire pour qu’il me le trouve (et je n’aurais pas pu le trouver toute seule, vu où il était rangé). L’Invisible dehors – Carnet islandais d’un voyage intérieur est donc la chronique, inventée ou non, je ne sais pas, d’un voyage de l’auteur en Islande. Loin des sentiers touristiques bien évidemment.
Le livre prend la forme de pensées jetées au fur et à mesure, un peu comme le livre de Ryoko Sekiguchi dont je vous ai parlé dans le dernier billet. C’est à la fois des réflexions sur la solitude, sur ce qui est important et ce qui ne l’est pas, sur ce que c’est que vraiment voir. Il y a un mélange de réel et d’imaginaire puisqu’on retrouve un personnage d’Archives du vent. J’ai lu ce livre avant le roman des éditions du Tripode et je me le suis un peu imaginé comme le voyage préparatoire au roman.
Là encore, si vous suivez le blog depuis un petit moment, vous savez que ce genre de livres me passionnent. Les réflexions de l’auteur sont intéressantes, on rentre facilement dans sa tête pour voir ce qu’il voit ou ce qu’il pense.
L’écriture est aussi totalement différente des précédents livres que j’ai pu lire de lui ; je n’aurais tout simplement pas pu imaginer que Pierre Cendors en était l’auteur. Mais là j’ai adoré.
C’était dépaysant, tout en étant intelligent. Une bouffée d’oxygène.
Deux passages de L’invisible dehors.
Magnús Morland, quatrième commentaire : Souvent c’est en faisant quelques pas inutiles qu’un homme se rejoint. Nous mutile, en ce monde, tout ce qui ne relève que de l’utile.
Que vient-on chercher au bout du monde, là, où l’homme n’est pas ?
Cette méditation, qui ouvre et clos mon dernier roman, ne m’a jamais concerné aussi directement qu’aujourd’hui. Preuve, encore une fois, d’une complicité « professionnelle » entre la fiction et la réalité.
Que vient-on chercher à Hornstrandir, là, sous le cercle polaire ? D’abord, un horizon dont le social est absent. Ensuite, une sensation du monde allégée d’autrui, le début d’un dialogue approfondi entre l’originel et la pensée personnelle, un revif corporel de l’esprit, une parole désencombrée, un silence ardent, un non-agir à l’unisson d’un agir recueilli et fervent, quelque chose comme une renaissance calme et profonde, le sacré se reconnaissant à cette invisibilité lumineuse mais dépourvue d’éclat.
Et surtout : une relation à soi et au monde, réglée sur la même clé que celle de l’Univers.
Dans le même mouvement, prendre de la distance et gagner en proximité.
Un premier billet de l’année en demi-teinte mais on ne peut pas tout aimer tout le temps.
Références
Archives du vent de Pierre CENDORS (Le Tripode, 2015)
L’Invisible dehors – Carnet islandais d’un voyage intérieur de Pierre CENDORS (Isolato, 2015)
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