J’ai lu ce livre à la suite d’un avis du libraire de la librairie Ptyx. Rien qu’à lire la quatrième de couverture, j’avais deviné comment cela allait se finir (mais je ne vous raconterai pas). Le roman raconte l’histoire d’un jeune homme de dix-huit ans qui revient dans sa petite ville du nord des États-Unis, Lisbon, après avoir mystérieusement disparu il y a quatre ans. Bien sûr, cette disparition avait secoué la petite communauté (toute la ville avait été quadrillée, les gens interrogés, certains soupçonnés). Sa réapparition miraculeuse va avoir la même résonance : le nouvel ordre créé suite à cette disparition va de nouveau être bouleversé.
Même si je me doutais du fin mot de l’histoire, je n’ai pas lâché le livre et je l’ai donc lu en deux jours (parce qu’en plus il est court, 200 pages). Pourquoi me direz-vous ? Pour plein de raisons (très constructif comme argument). Je précise que c’est mon avis mais qu’il existe sur internet des avis plutôt négatifs (visiblement c’est l’écriture qui semble avoir été pour certains trop travaillé par rapport à l’histoire).
D’abord, j’ai aimé la description de la ville. Hélène Gaudy et moi avons du regarder les mêmes films ou séries car nous avons le même imaginaire sur les villes isolées du nord des États-Unis. Imaginez-vous un lieu entouré de montagnes plus ou moins hautes, de bois aussi, où il y a une route pour entrer et sortir de la ville, celles des camions qui roulent à toute allure. Hélène Gaudy décrit un lieu où on pourrait facilement devenir claustrophobe. On peut entrer dans la ville mais pas en sortir parce qu’une fois qu’on est dedans elle est le seul monde qui s’ouvre. On ne voit plus l’extérieur (j’ai lu Le brouillard de Henri Beugras sur ce type de lieu et c’est bien sûr un livre que je vous conseille). C’est à mon avis ce qui fait que la disparition du jeune garçon est choquante pour tout le monde. Je crois que d’ailleurs l’image est faite dans le livre : la seule solution est que la terre l’ai avalé car on ne peut pas sortir de Lisbon. À plusieurs reprises, on nous dit que Lisbon essaie de ressembler à son homonyme. C’est à chaque fois pour mieux marquer une comparaison qui ne peut être qu’en défaveur de la ville américaine.
Il n’y a bien sur pas grands choses à faire, peu de distractions en tout cas à Lisbon. Surtout pour des jeunes. J’ai trouvé que la manière d’Helène Gaudy de le faire ressentir était très intelligente. Elle ne dit pas l’ennui, la déprime, les problèmes liés à l’adolescence. Elle donne à voir les personnages plutôt par leurs sensations (physiques peut être) que par leurs sentiments ou leurs sensations. De plus, le narrateur est extérieur. On passe donc d’un personnage à un autre comme une fée qui survole une ville. Pour donner un exemple, Davis, le garçon qui a disparu était dans une bande de quatre garçons, une fille. Il était le meneur malgré le fait que deux garçons étaient très indépendants pour leur âge. Un particulièrement essaiera de marquer sa place dans la bande. Un autre s’effacera progressivement et sera mal à l’aise. Et puis tous les garçons sont un peu amoureux de la fille (ce qui n’aide pas à l’entente). Hélène Gaudy ne va pas faire de longs dialogues. Les problèmes ou les états d’âmes ne sont pas décrits. Elle va plutôt faire sentir la chose, par des positions, des manières de se tenir, des manières d’agir par rapport aux autres (c’est un peu le propre de l’adolescence de se définir par rapport aux autres), des regards. C’est un peu comme si les personnages n’avaient pas conscience de ce qu’ils étaient.
Bien sûr, le troisième thème est celui du retour, du retour à la vie normative (ou en tout cas la tentative de). Cela m’a fait penser aux Desperate Housewives, quand tout le monde s’épie par le rideau et où on s’empresse de ragoter ou d’aller dire des vacheries aux voisins pour bien le miner. L’auteur en parle dans tout le livre mais c’est surtout les deuxième et troisième parties qui traitent de cela. Les adolescents de la bande ne sont plus adolescents et ne forment même plus une bande. Cette fois-ci chacun est vu comme individu, comme adulte, prenant des décisions réfléchies. On le ressent dans l’écriture aussi car Hélène Gaudy décrit plus des personnages qui sont dans le cérébral que dans la sensation.
Je pourrais parler pendant des heures de ce livre car il y a vraiment beaucoup de choses intéressantes. Ce qu’il faut retenir, c’est que le point fort d’Hélène Gaudy dans ce livre est la description de l’adolescence, où elle ne cherche pas à redevenir une adolescente, et où elle ne cherche pas à être une adulte qui voit cette période comme un médecin avec des traits typiques.
Références
Plein hiver de Hélène GAUDY (Actes Sud, 2014)
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