Quatrième de couverture
Esther Rudomin avait dix ans quand son monde bascula. Jusque-là elle avait cru que sa vie heureuse dans la ville polonaise de Wilno durerait toujours. Elle chérissait tout, depuis les lilas du jardin de son grand-père jusqu’au pain beurré qu’elle mangeait chaque matin à son petit déjeuner. Et lorsque les armées d’Hitler envahirent la Pologne, en 1939, et que les Russes occupèrent Wilno un an plus tard, le monde d’Esther resta intact : pour elle, les guerres et les bombes s’arrêtaient à la grille du jardin.
Mais un matin de juin 1941 deux soldats russes, baïonnette au canon, se présentèrent.
Ce livre commence par une tragédie et la tragédie n’est jamais loin tout au long de l’histoire d’Esther, mais il est aussi un témoignage émouvant sur la résistance de l’esprit humain, par la façon dont les Rudomin gardèrent courage d’un bout à l’autre des cinq années que dura leur exil, malgré la faim et les privations.
Voici la véritable histoire d’une enfance sibérienne : elle a été applaudie comme « un grand document qui vivra longtemps dans la mémoire de chaque lecteur ».
Mon avis
Encore un livre que j’ai découvert grâce à mes errances sur Library Thing qui est vraiment une mine d’idées pour moi. Ce livre est un véritable coup de cœur ! Je regrette de ne pas l’avoir découvert plus jeune (la première parution en français s’est faite en 1986), même si la lecture est faite pour les grands et les petits.
Esther Hautzig signe donc ici une autobiographie magistrale de son enfance, ou plutôt adolescence, sibérienne. Elle était une enfant heureuse de la bourgeoisie polonaise. Elle habitait une grande maison divisée en appartements mais où tous les habitants de la maison étaient de la famille : grand-père, grand-mère, cousins, cousines, tantes, oncles … Ses grands-parents paternels ne vivaient pas très loin non plus ; il suffisait de traverser le parc pour leur faire un coucou. La guerre n’est pour eux qu’un écho lointain qui ne les a pas encore atteint.
Mais en 1941, les Russes qui étaient encore, à ce moment-là, les alliés des Allemands arrivent chez eux. Ils détiennent le père d’Esther. « Heureusement », toute la famille a pu fuir sauf Esther et sa mère. Ils seront relégués en Sibérie, ainsi que la grand-mère paternel, en tant qu’ennemis de classe (comprendre qu’ils sont d’affreux capitalistes). Le grand-père paternel sera séparé d’eux sur le quai de la gare. Comme six semaines de voyage dans des wagons à bestiaux et la descente aux enfers. Quand ils arrivent, ils apprennent qu’ils devront travailler dans une mine de gypse. Le père devra travailler au transport du gypse une fois extrait, la mère au dynamitage, la grand-mère devra manier la pelle et Esther désherber les pommes de terre pour que tout le monde puisse manger. C’est une vie très difficile car pour l’instant il fait très chaud sur la steppe. Ils ont peu à manger … Mais les Russes deviendront les ennemis des Allemands. Leurs vies changent. Ils devront aller travailler au village. Le père sera comptable. La mère travaillera à la boulangerie (pas en tant que vendeuse). Ils devront loger dans une petite cabane à onze personnes mais Esther pourra « enfin » aller à l’école ! Elle ne connaît pas très bien le russe mais veut absolument y aller.
Esther alors devient une enfant-adulte. Elle a toutes les envies d’une jeune fille qui grandit : avoir les mêmes affaires que les autres, se faire accepter, avoir des bonnes notes, être aimée de ses professeurs, avoir des beaux habits. On vit ses premières amours aussi. Il y les demandes aux parents, les stp, stp, stp …Mais d’un autre côté elle doit subir tous les malheurs qui s’abattent sur ses parents : les changements de logement, la pauvreté, la faim, l’envoi de son père sur le front, la séparation, la peur du lendemain, de l’effroyable hiver sibérien. Elle doit aussi aider sa mère à s’occuper de la maison, gagner un peu d’argent pour aider ses parents … Elle troque au marché.
C’est ce que j’ai énormément aimé. Beaucoup plus que le journal d’Anne Franck (je l’ai lu beaucoup plus jeune aussi ; ceci explique cela). Esther Hautzig ne nous cache rien mais elle garde toujours cette appétit de vivre (qui lui vient de sa famille, de ses souvenirs aussi), de s’adapter (ce dont on aurait pu douter au vu de son enfance assez protégée). Elle ne se plaint jamais des méchants Russes, de ce qui lui arrive. Elle va toujours de l’avant. C’est impressionnant (je ne pense pas que j’aurais été capable d’en faire autant). À la fin de la guerre, elle aura de la peine de rentrer en Pologne, de quitter la vie qu’elle s’est construite (sa mère lui dit qu’elle est complètement folle), le semblant de sécurité qu elle a obtenu.
On s’attache tellement à Esther qu’on se demande pourquoi elle arrête de nous raconter sa vie après son retour en Pologne. J’étais toute triste de la quitter …
Le moment est triste est quand on apprend que toute sa famille paternelle et une très grosse partie de sa famille maternelle est morte durant la Shoah. Esther vivra encore plus le fait d’avoir été relégué en Sibérie comme une chance qui l’a sauvé. Sa mère regrettera éternellement de ne pas avoir dit aux militaires russes qui sont venus en de matin de juin que l’homme qui sonnait à la porte était son frère, et non pas un inconnu.
Références
La steppe infinie de Esther HAUTZIG – traduit de l’américain par Viviane de Dion (L’École des loisirs / Médium, 1986)
La photo sur la couverture, c’est Esther adolescente.
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