Présentation de l’éditeur
Dans une Amérique du Sud derrière laquelle percent les Préalpes de l’Italie du Nord, l’extraordinaire portrait de l’ingénieur-hidalgo Gonzalo Pirobutirro d’Eltino, de ses fureur contre sa mère et sa maison, de sa voracité rabelaisienne et de son désespoir profond.
Un des grands livres du XXe siècle.
Une citation
Dans la maison, le fils eût voulu voir jalousement protégées la réserve et la solitude de leurs deux cœurs. La colère le prit. Mais la constatation de ce pluriel sordide l’emporta : il se sentait mortifié, à bout de forces.
Mon avis
Par une curieuse bizarrerie, la note expliquant le texte est à la fin. Pourtant, on nous explique que connaître la biographie de Gadda est indispensable pour comprendre ce livre. Pour faire court, Gadda n’a rien inventé. Il ressentait la haine envers sa mère, qui est décrite dans le livre (il n’ira pour autant pas jusqu’au meurtre). En cela, le livre rappelle un peu le livre de Cela La Famille de Pascal Duarte. On apprend autre chose dans cette « note » ; il faut accepter de ne pas comprendre ce livre. Pour deux raisons, les références littéraires sont innombrables (mais inconnues du lecteur français)(seul Les Fiancés de Manzoni sont cités explicitement) et la langue est très ardue (en tout cas pour le commun des lecteurs, genre moi). Gadda écrit dans un style très baroque (les phrases sont très détaillées, partent un peu dans tous les sens, on se retrouve rapidement perdu). J’essayais de comprendre la phrase et j’oubliais le contexte. Je crois que c’est un livre qui n’a pas été écrit pour son lecteur mais pour l’idée que Gadda se faisait de l’Art. Il paraît que Gadda joue beaucoup sur la ponctuation, notamment sur les :. J’ai bien remarqué mais je n’ai pas trouvé que c’était omniprésent donc je ne serais vous en dire plus.
Néanmoins, une fois que j’ai eu compris qu’il fallait se laisser porter par le livre (ce n’est pas possible dans le bus et pourtant je le prends à 6h40 le matin), j’ai pu saisir deux trois choses. Les 100 premières pages sont assez illisibles et finalement, présentent le village avec beaucoup de détails sans pour autant que l’on comprenne le rapport avec la quatrième de couverture. Mais à partir de la page 100, soit j’ai eu le déclic, soit c’est plus lisible, on commence à percevoir les relations fils-mère. Paradoxalement, j’ai trouvé qu’on comprenait le fils à travers sa solitude, son inaptitude à vivre avec les autres et à accepter le jeu social. Un peu comme si on voulait excusé sa violence verbale et physique. La mère est plein de sollicitude mais c’est comme un masque. On a pitié car elle a peur mais d’un autre côté elle ne s’occupe pas vraiment de son fils mais plus de ses œuvres de charité. L’auteur ne le dit pas explicitement mais on ne ressent pas trop de compassion pour la mère.
J’ai choisi la citation en fonction d’un autre thème qui est omniprésent dans le livre, celui de la propriété privée. L’ingénieur en a marre de payer des impôts, plus farfelus les uns que les autres, marre qu’on l’envahisse. Je trouve que la citation dit bien ce que représente la propriété privée pour lui : c’est un espace où il pourrait enfin bénéficier de sa mère seul à seul. Le fait que ce ne soit pas possible le désole et fait de la situation une situation inextricable.
Le livre n’est pas terminé. On nous dit qu’il manque une dizaine de pages. Il se termine sur l’assassinat de la mère ; Carlo Emilio Gadda ne pouvait envisager que le fils soit coupable.
En conclusion, c’est une lecture intéressante mais je vous la déconseille dans les transports, en période de stress. Il faut lire ce livre bien au calme et le savourer sans essayer de le dévorer. Peut être qu’alors à la première lecture, on peut en tirer l’envie d’en faire une seconde pour comprendre un peu plus.
Références
La connaissance de la douleur de Carlo Emilio GADDA – traduit de l’italien par Louis Bonalumi et François Wahl avec une note de François Wahl (Éditions du Seuil, 1974 – Points, 1987)
Première parution en italien en 1963.
Laisser un commentaire