Quatrième de couverture
Un corps de cycliste dans la descente du Tourmalet : tel est le sujet de ce huis-clos crânien. Entre « Les Choses de la vie » et « Voyage autour de ma chambre » (de réanimation), Tourmalet est un livre initiatique qui côtoie les confins et cherche l’âme près de l’os. Fracturé, blafard et lapidaire, le style psalmodique vécu en est celui du coma – qui est aussi un vide musical. Ode au col mythique pyrénéen dont on commémore le centenaire du franchissement à vélo, la course-poursuite immobile Tourmalet est une célébration de l’Accident comme sacré.
Dix ans après La route des Gardes, Bayon revit ici la terrible chute de vélo qu’il fit dans la descente du célèbre col. Plus qu’un accident, c’est une « évènement », une traversée de la vie, de la mort, de la mémoire. Un livre d’os et de mots, de nausée et de migraine, mais aussi de vent et de grand sud ouest.
Première page
Je pense souvent à la mort, très souvent, tout le temps – au travail, la nuit en dormant ou faute de dormir, le jour courant ou marchant, dînant, lisant, devisant avec le président de la République, riant, rêvant, aimant, sifflotant, sans cesse ou presque. Dans cet état de mort suspendue qu’est ma vie, j’ai songé cet été 2009 à expédier un de mes cadavres vivants en le publiant, trêve de dandysme littéraire abstinent, de silence « à quoi bon ».
Les faits remontent à l’automne 1998, dix mois plus tard mon frère aîné (notre cadet mort une nuit d’Afrique verte 1953 à cinq mois sous nos yeux) se tue volontairement en se pendant haut et court un jour de solstice d’été à l’aube dans un box – quand je lis que la mort s’occupe …
J’avais renoncé à livrer cette prémonition pour une raison curieuse ; c’est que s’y joue la deuxième fracture du crâne de ma vie, mon deuxième TC + PC comme dit la Faculté (« traumatisme crânien avec perte de connaissance ») après certain coma meudonnais de 1970 – rapporté dans le roman autobiographique motorisé La route des Gardes, sorti justement quelques semaines avant ma réédition du virage de Caderolles. À la réflexion, je verrais là au contraire une raison spécifique d’exhumer ces impressions osseuses démantibulées, ces fragments d’une descente pure à la mort. Certes ravalée au rang d’anecdote par le suicide fraternel à suivre, sans recours lui, donc réellement tragique – si l’on veut (au fond indifférent, comme absolument tout) -, c’est une expérience coûte que coûte assez inédite.
Plus tard, ou parallèlement, pourquoi pas un diptyque du « petit bonheur » ; sans compter La Rivière circulaire qui flâne, au risque de se tarir. En attendant, comme amorce à ce qui devrait se constituer en trilogie du corps tourmenté, hystérique, entaillé, rompu et repris, voilà Tourmalet, ou Le Virage de Caderolles – ainsi titré d’origine pour ce que ce qui s’y enfonce vaut extirpation, réminiscence, en rechute comme on dit des maux, d’un travers.
Mon avis
J’ai découvert ce livre grâce à l’émission littéraire Jeux d’épreuves de France culture. Je l’ai commandé à la maison de la presse de ma ville. Je suis allée le chercher et en remontant chez moi (parce que oui j’habite en haut d’une côte), je l’ai ouvert. J’ai mis du coup beaucoup de temps à remonter parce que j’ai été bouche bée par le style, par le sentiment que pour Bruno Bayon l’écriture n’est pas une chose vaine mais une chose nécessaire. On a donc l’impression qu’il a besoin de sortir cela de lui pour continuer à vivre.
Dès les premières pages, on ressent une certaine oppression, une incompréhension qui on l’espère va se lever au fur et à mesure du livre. Il y a cinq chapitres appelés T, C, +, P, C, correspondant à une période où il est en fait dans le coma ou en subit les conséquences. Les cinq chapitres racontent la même. C’est ce que la quatrième de couverture appelle la psalmodie. Bruno Bayon fouille dans sa tête embrumée par le choc pour savoir ce qui c’est passé. Ce n’est pas toujours la même version, parfois on voit apparaît la famille de manière un peu flou, un peu embrouillé. Le style est heurté, sanglant. L’auteur arrive à communiquer ce qu’il a ressenti au moment sa convalescence. C’est une partie du livre qui est vraiment intense, que l’on vit dans notre chair même.
Ensuite, il y a un épilogue où l’auteur a retrouvé les témoins qui l’on secouru lors de sa chute. Ce qui est intéressant c’est qu’il y a deux témoins et que les deux versions ne concordent pas. Bruno Bayon ne conclu pas vraiment, ne tranche pas mais finalement, je pense que l’impression que l’on a est que l’histoire n’est pas importante, que l’important est de continuer à vivre. Le coma n’est qu’une étape. Il est à noter que j’ai parlé de ce livre comme dans une autobiographie alors que le livre est annoncé comme un roman. Cela renforce un certain mystère par rapport à ce livre dont on ne comprend pas forcément tous les tenants et les aboutissants.
En conclusion, j’ai beaucoup aimé le style de l’auteur. Ce ne sera donc pas mon dernier Bayon à mon avis. Le prochain ce sera La route des Gardes car il y est fait plusieurs fois allusions dans ce Tourmalet. Notamment parce que le coma du Tourmalet ressuscite les lésions pyschologiques et physiques du précédent coma (notamment la trépanation).
Références
Tourmalet de Bruno BAYON (Grasset, 2010)
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