Il s’agit de la deuxième aventure du Chevalier Dupin et de son comparse anonyme. Elle a été publié en trois épisodes dans The Ladies’ Companion (dans les numéros de novembre 1842, décembre 1842 et janvier 1843). C’est inspiré d’un fait divers qui s’est produit à New York en juillet 1841.
Le fait divers
Mary Rogers était très connue de tout le gratin new-yorkais comme « la belle marchande de cigares ». En effet, elle était quelques années plutôt la vendeuse de la célèbre boutique Anderson. En 1838, elle avait déjà disparu mystérieusement une semaine entière. Sa mère, ainsi que tous les messieurs fréquentant la boutique d’Anderson étaient très inquiets (ils avaient même alarmer les journaux). À ce moment là, elle était revenue tranquillement en disant qu’elle avait été voir une parente (sans que sa mère soit au courant…) Elle avait alors décidé, suite aux questions trop insistantes, de quitter la boutique et d’aider sa mère à tenir sa maison d’hôte.
Le 25 juillet 1841, elle décide de rendre visite à une parente. Elle demande à son fiancé, David Payne, de venir la chercher à la tombée de la nuit. Le soir venu, le temps est mauvais. Il pense qu’elle va rester chez sa parente et qu’il n’a pas besoin d’aller la chercher. Voilà que le lendemain on se rend compte qu’elle n’est jamais arrivée. Tout le monde part à sa recherche. Trois jours plus tard, le cadavre d’une femme est retrouvée sur les bords de l’Hudson. Un amoureux non déclaré, Crommelin, la reconnaît malgré un visage défiguré. Commence alors un mystère que personne n’a jamais résolu. La presse s’emballe et dévoile de nombreux détails de l’enquête, vrai ou faux. On l’aurait aperçu avec un homme à la peau sombre, il y aurait eu une bande de malfrats dans les environs, l’aubergiste (Madame Loss) aurait entendu des cris de femme, on retrouve les vêtements près de l’auberge quelques semaines plus tard. Des années après, madame Loss témoigne que Mary Rogers est morte au cours d’un avortement raté. Finalement de nombreuses hypothèses : est-elle vraiment morte ? Est-ce que l’homme à la peau sombre était l’amant avec qui elle avait fuit la première fois ? Est-ce qu’elle est morte au cours d’un avortement ? A-t-elle été violenté par une bande de malfrats ?
La nouvelle en elle-même
Poe, visiblement marqué par ce fait divers, cherche à apporter un dénouement à cette histoire. Pour cela, il transpose à Paris l’histoire de Mary Rogers, devenu en traversant l’Atlantique Marie Roget. Les noms changent, sa profession aussi. Des notes en bas de pages (rajoutées par Edgar Poe lui-même) nous indiquent les correspondances par rapport au fait divers original. La structure de la nouvelle est à peu près la même que pour Double Assassinat dans la rue Morgue. Après un mot d’introduction sur la méthode de Dupin (l’auteur au premier paragraphe a quand même parlé de Mary Rogers), le comparse se livre à un résumé des articles de presse. Dupin analyse ensuite chaque élément pour en révéler toute l’approximation et ce qu’il faut réellement en penser. Les investigations sur le terrain ne nous sont ici pas contées (pourquoi ? Poe nous dit que c’est évident). L’auteur finit par nous rappeler qu’il ne faut pas faire de parallèle entre Marie Roget et Mary Rogers.
Pour être honnête, je précise que j’ai lu le livre dont je vais vous parler demain avant. Je connaissais les principaux faits de l’affaire Mary Rogers. Si ça n’avait pas été le cas, j’avoue que les notes de bas de page de Poe ne m’aurait pas beaucoup aidée. Sur les trois éditions de la nouvelle que j’ai, il n’y en a aucune où il y a une préface explicative. Je trouve ça un peu dommage (un jour je regarderais dans la collection Bouquins…) Dupin passe 90% de la nouvelle à dire dans tels journaux ils ont dit ça mais c’est faux, on peut cependant en déduire ça. Le problème c’est que je n’ai pas trouvé qu’il était si évident qu’on puisse en déduire ça. Les déductions m’ont paru mal s’enchaîner : elles semblaient arriver comme un cheveu sur la soupe. J’étais donc assez désappointée. Quand ensuite on nous annonce que l’enquête sur le terrain ne nous sera pas décrite, j’ai été franchement déçue. Le problème de cette nouvelle, à mon avis, est que Poe a trop cherché à rester dans le fait divers réel et donc à tenir compte des dernières avancées de l’enquête.
Il faut cependant reconnaître que c’est fort bien écrit (merci à Poe et à Baudelaire) et que cela reste donc très agréable à lire. Demain, je vous parle de Noir Corbeau de Joel Rose portant sur la même affaire Mary Rogers. Poe est même suspecté du meurtre !!!
L’avis de Bibliotheca.
Références
Le mystère de Marie Roget dans Histoires grotesques et sérieuses de Edgar Allan POE – traduction de Charles Baudelaire – présentation de Roger Asselineau (GF, 2008)
P.S. La présentation de Roger Asselineau est vraiment très intéressante et nous apprend plein de choses sur les différents textes de ce recueil. Vous pouvez cependant trouver gratuitement le texte sur Wikisource.
Laisser un commentaire