On n’avait rien à faire ici de Thomas Olsson est une bande dessinée suédoise, racontant la recherche de Sir John Franklin du « passage du Nord-Ouest », du point de vue de Thomas Evans, quatorze ans, mousse parmi les cent trente-cinq hommes d’équipage, répartis sur les deux bateaux de l’expédition.
Pour rappel, l’expédition de Sir John Franklin a commencé le 19 mai 1845, et s’est terminée en 1848 par la mort du dernier membre d’équipage. Cette expédition a toujours été mystérieuse puisqu’on n’a retrouvé qu’en 2014, un des bateaux de l’expédition, tout comme on n’a compris que dans les années 80-90 de quoi étaient morts les membres d’équipage. Une autre question était de savoir si les survivants s’étaient livrés ou non au cannibalisme. Toutes ces recherches sont résumées par l’auteur dans son épilogue.
Le corps de la BD est constitué de quatre chapitres, un pour chaque année. Bien sûr, le premier chapitre, celui de l’année 1845, est beaucoup plus important en taille que les autres puisque dans celui-ci, Thomas Olsson situe historiquement l’expédition, présente les protagonistes et raconte le début du voyage où beaucoup de choses changent par rapport au programme prévu. Il était normalement prévu que le voyage dure une année mais les bateaux vont se retrouver prisonniers des glaces dès le premier hiver. Les autres chapitres sont beaucoup plus « monotones » puisque la situation de l’équipage ne change plus beaucoup : bloqués dans la glace, de plus en plus d’hommes meurent sans que personne ne puisse rien y faire, même pas le capitaine. On est plus dans la survie que dans l’expédition ou l’aventure, donc, il y a nécessairement moins à raconter.
Le choix d’utiliser le personnage d’un mousse pour raconter cette expédition est vraiment très intelligent, car il permet à l’auteur de couvrir de manière crédible l’histoire du point de vue de tous les membres de l’expédition : un mousse peut faire tous les travaux sur un bateau, mais surtout on n’y fait pas franchement attention. Le personnage de Thomas Evans que créé Thomas Olsson est très attachant, car il semble le plus mature de tous, le plus calme, un peu comme s’il n’attendait déjà plus rien d’une certaine manière, dans le sens où son destin aurait pu déjà être pire. Dès le départ, le lecteur sait que Thomas est orphelin de père et de mère, et qu’il s’engage sur le bateau, car il n’a rien d’autre à faire puisque à quatorze ans, on ne veut plus des enfants à l’orphelinat. L’auteur lui fait connaître une courte histoire d’amour avec une jeune Groenlandaise, qui le motivera jusqu’au bout à se battre pour rester en vie.
Le livre est dessiné avec des dessins de type « cartoons de journaux », comme sur la couverture. Le volume est tout en dégradé de bleus, comme la couverture aussi. Si vous n’avez pas compris, la couverture donne un bon aperçu de l’intérieur du livre ! Au début, j’étais sceptique sur ce type de dessins, car ce qui fait rêver dans ce genre de livre, c’est la nature, les paysages, ce que l’humain peut subir dans ces climats extrêmes. Tout cela, je ne voyais pas comment cela pouvait être retranscrit avec ce type de dessins. J’avais raison, car clairement tout cela n’est pas le projet de l’auteur. Comme indiqué par le titre, l’idée est vraiment de montrer la stupidité et la vanité d’une telle expédition.
Sans parler des dessins, Sir John Franklin est peint dès le début de ce roman graphique comme un homme vaniteux, pensant avoir toujours raison, pensant que tout abandon serait un échec de sa personne, même si cela doit coûter la vie à tout son équipage. Les dessins amplifient ce sentiment. Pas de grands paysages, pas de souffrances des personnages… seulement des personnages qui tombent morts, comme des personnages de jeux vidéo du début des années 90. On les enterre sans beaucoup les regretter, comme si d’autres compagnons allaient réapparaître bientôt. C’est un peu le sens du titre, à mon avis : des morts inutiles pour un objectif qui était tout aussi inutile.
Une bonne lecture si vous en avez l’occasion, et surtout, si vous êtes intéressés par les expéditions polaires.
Thomas Evans est le dernier nom figurant sur le piédestal de la statue de Sir John Franklin, place Waterloo à Londres.
Références
On n’avait rien à faire ici de Thomas OLSSON – traduit du suédois par Aude Pasquier (L’Agrume, 2017)
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