J’ai emprunté samedi ce livre à la bibliothèque, même si j’avais le premier roman de cet auteur, F, dans mon reader (bien sûr, non lu). Je dirais que mal m’en a pris car il reprend dans ce livre S, l’univers qu’il avait créé dans son premier roman. En l’expliquant moins, je suppose. Je me suis donc perdue en cours de route car je n’ai pas bien compris où l’auteur voulait en venir car il ne s’agit pas d’une dystopie classique (avec une description détaillée d’une société où le contrôle est omniprésent, et pourtant c’est bien ce type de société qui est décrit ici) mais une sorte de mise en abîme d’une situation qui est omniprésente dans cette société : la distinction entre le vrai et le faux, entre le rêve et la réalité plus exactement. Jugez plutôt.
On retrouve un des personnages, Zuhl, qui était déjà présent dans le roman F. Suite à la réussite de sa mission, Zuhl reçoit une nouvelle promotion, celle d’intendant général au « très prestigieux ministère des Lectures et des Publications ». Pourquoi très prestigieux ? Dans le pays où se situe l’action, les livres d’imagination ont été supprimés (leurs auteurs sont considérés comme des populations non intégrables ») et ont été remplacés par des livres mêlant fiction et réalité. En effet, dans ces registres, on retrouve la version « officielle » de ce qu’il se passe dans la réalité, je dis bien officielle car la version est réécrite, le reste n’étant qu’oeuvre d’imagination du pouvoir. Ainsi, lors de « lectures enjointes », les autorités contrôlent l’adhésion des « populations intégrables » à l’orientation du régime, et ce de la manière suivante :
[Les lectures enjointes] avaient lieu habituellement une fois par an. Les habitants étaient convoqués, à des dates différentes, par groupes de tailles diverses en fonction de l’importance de chaque localité. On les rassemblait dans une grande salle, au sein de la bibliothèque officielle du bourg, généralement attenante au pénitencier. Un jury composé du directeur de l’établissement (ou d’un de ses adjoints), du bourgmestre et d’un agent des brigades de vérification présidait aux séances.
Trois versions presque identiques d’un même texte étaient lues tour à tour par chacun des membres du trio. Puis on demandait aux citoyens de se prononcer, à main levée, sur le caractère « falsifié » ou non de chacune d’entre elles. Il arrivait que les trois versions le soient.
Les falsifications étaient souvent difficiles à détecter. Un adverbe, une incise ajoutée ou oubliée, signalaient parfois le bon verdict. Les résultats, quoi qu’il en soit, n’étaient jamais connus des individus eux-mêmes. Mais il était certain que ceux qui avaient livré deux ou trois mauvaises réponses recevraient quelques semaines après une nouvelle lettre les invitant à participer à des séances de « lecture contrainte ». Un échec lors de ces dernières entraînait inéluctablement une future « séparation préventive ».
Cette épreuve est d’autant plus difficile que les livres théorisant le régime comprennent toujours plus d’une vingtaine de tomes. Connaître tous les textes par cœur revient à dire que personne ne travaille et passe son temps à étudier les livres, ce qui même dans cette société, n’est pas le cas de tout le monde !
Zuhl est chargé d’organisé le jubilé du cinquantième anniversaire du régime. Il décide faire la « fête » dans la Bibliothèque générale (l’équivalent de notre Bibliothèque nationale). Celle-ci est dirigé par un certain Aloïs, qui n’a plus les faveurs du régime. Zuhl s’adjoint les services d’un agent zélé, le fameux S, pour assurer la sécurité de l’événement. Mais malheur ! Au cours de la journée disparaît de la Bibliothèque un des livres interdits. Jusqu’à présent, je vous ai raconté les vingt premières pages environ et personnellement, je trouvais que cela s’annonçait bien, même si je me suis rapidement rendue compte qu’il allait me manquer les références du premier tome (je précise qu’il n’est pas dit sur la quatrième de couverture qu’il faut avoir lu un tome avant l’autre … ce n’est pas ma faute donc).
Par la suite, l’auteur reprend le récit des trois personnages principaux (Zuhl, S et Aloïs) après l’événement. Ainsi, au lieu de décrire les conséquences du vol du livre interdit, il décrit les conséquences (et donc les sanctions) qui sont prises contre les trois hommes. Ils ne se contentent pas d’aller dans une prison classique, mais vive de manière continue des scènes dont on ne sait pas si elles sont réelles ou rêvées, brouillant réalité et fiction, pour les personnages … mais aussi pour le lecteur.
On retrouve de plus en plus, au cours du récit, les personnages de F et donc je pense que ma déroute vient de là en partie. Pourtant, je trouve qu’il manque quelque chose au livre : un peu plus de clarté (quitte à être plus long mais plus explicatif) et une finalité plus affichée à mon avis.
Si vous avez lu F, et si ce que j’ai dit vous rappelle des situations du premier tome, n’hésitez pas à me le dire dans les commentaires. De toute manière, comme je le disais, j’ai F en ebook et donc je le lirais mais cela me motiverait de savoir que je comprendrais quelque chose en lisant le premier livre de l’auteur.
Références
S de Luis SEABRA (Rivages, 2016)
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