Voilà un livre qui fait plaisir, qui fait voyager, qui fait briller les yeux, qui fait aimer la vie !
Dans Liscorno, Jacques Josse parle de ses lectures d’enfance / adolescence. Liscorno est la village breton où était situé la maison familiale de Jacques Josse. Dans ce petit livre de 92 pages, l’auteur décrit les lectures qui l’ont marqué pendant sa jeunesse et qui ont forgé l’homme qu’il est aujourd’hui. On va donc de son arrivée dans la maison à son départ pour la ville.
Les auteurs importants pour lui sont des poètes (Tristan Corbière, Émile Verhaeren …), des écrivains américains (Jack London, Jack Kerouac, Allan Ginsberg …) Tous ont en commun de faire écho à son existence bretonne mais surtout de l’inciter à voir autrement son univers et de faire de nouvelles expériences. Dans la vie de l’auteur, la lecture est un va-et-vient entre vie réelle et vie « lue ». Il ne dissocie pas les deux. Pour lui aussi, la lecture permet de s’évader mais elle permet surtout de devenir autre et de se développer. Même les expériences des plus lointains auteurs font écho à sa vie bretonne dans un petit village.
Cela m’a beaucoup interrogé au moment de la lecture car je me suis demandée comment il faisait pour choisir ses lectures. Pour faire écho à une vie bretonne, je pense que le mieux est de lire des auteurs bretons (pas le mieux en fait, le plus sûr et encore on ne vit pas pareil dans toute la Bretagne). J’ai réfléchi et je pense qu’en fait ils se basent beaucoup sur les sensations et sur les sentiments (nobles comme la liberté quand on roule sur une autoroute américaine), plus que sur les histoires. C’est pour cela qu’il est touché par la poésie parce que c’est avant tout cela. Et c’est ce qu’il décrit, de manière poétique aussi, dans le livre : ce que différents auteurs lui ont apporté dans sa jeunesse et encore maintenant. Pour raconter sa découverte de Tristan Corbière, il écrit (et j’aimerais écrire pareil) :
La nuit où Tristan Corbière s’est invité dans la mansarde à Liscorno pour ne plus vraiment en ressortir est bien cochée dans ma mémoire. Je dois au poète contumace, au crapaud qui chante, à celui qui savait plus que quiconque ce que rogner et rognures signifiaient en poésie, la première lecture qui m’a physiquement bousculé. Ses strophes ont serré ferme et sans préambule (par temps de chien, courant de la mer d’Iroise jusqu’au Cap Horn) des poches de chairs sensibles à l’intérieur du ventre avant d’attaquer le très ténu réseau des nerfs pour finir par toucher, au plafond, les pattes de l’araignée qui a électrisé, en un éclair, des zones où lire et écrire se chevauchaient.
Cette manière de lire est très différente de la mienne. Mes lectures ne font pas écho à ma vie au sens de l’expérience (parce que aller bosser tous les jours, on fait plus romanesque). Sur le moment, la lecture me permet de m’évader en vivant dans des pays que je ne connais pas ( c’est pour cela que je ne lis pas trop de littérature française ; je les connais les français, je vis avec) mais si on me demande plus tard ce que raconte le livre, je suis incapable de le dire, je ne m’en rappelle pas. Je me rappelle de mon ressenti, de l’atmosphère, des caractéristiques des personnages … ; pour que je me rappelle l’histoire, il faut qu’on me dise un élément ou quelque chose pour que ma mémoire commence à se dérouler. C’est un peu comme si j’avais intégré de nouveaux personnages dans ma vie, comme si je les faisais vivre sans pour autant retenir toute leur vie. Quand j’étais petite, je mélangeais les personnages et je les faisais vivre mes propres histoires.
À la lecture, je me suis demandée si je ne devrais pas essayer sa manière de lire, juste pour voir.
Sinon, le livre est magnifique et vous fera briller les yeux.
L’avis de Yvon.
Références
Liscorno de Jacques JOSSE (Éditions Apogée, 2014)
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