Quatrième de couverture
Fernando Pessoa est né à Lisbonne le 13 juin 1888. Son père est décédé lorsqu’il avait cinq ans et, entre 1896 et 1905, il a vécu à Durban, en Afrique du Sud, où le second mari de sa mère exerçait les fonctions de Consul. De retour au Portugal, il n’a guère quitté Lisbonne, où il est mort le 30 novembre 1935, pauvre et méconnu du grand public, malgré son rôle incontesté de chef de file du modernisme portugais et l’importance, qualitative et quantitative, de ses collaborations aux revues littéraires de l’époque.
Paru en 1922, dans la revue Contemporânea, Le Banquier anarchiste, seule œuvre de fiction publiée de son vivant, a connu un destin étrange. Mentionnée avec condescendance par les « spécialistes » ès Pessoa quand ils daignaient la citer, ce n’est que tout récemment qu’on a commencé à la lire.
Avec ses « faiblesses de construction » et son évident « amateurisme », ce dialogue paradoxal, à la fois logique et absurde, conformiste et subversif, d’une naïveté assez lucide ou, si l’on préfère, d’une lucidité assez naïve, n’a rien perdu de son pouvoir de provocation.
Mon avis
J’ai beaucoup aimé ce petit ouvrage parce qu’il symbolise pour moi ce que l’on voit souvent dans la vie (en tout cas dans la mienne). Une personne qui parle bien, une personne qui maîtrise l’art oratoire, fait un discours en expliquant que son raisonnement est logique et scientifique. Il parle tellement que vous n’avez pas le temps de réfléchir et de formuler des objections. Au final, vous vous retrouvez à acquiescer à une conclusion que vous savez stupide mais dont vous ne savez pas dire la stupidité.
Ici, un banquier, présenté par Pessoa comme « grand commerçant et accapareur notable », dit penser et vivre selon des principes anarchiques : acquérir la liberté en luttant contre les fictions sociales (les fictions sont les fictions imposées par notre société dans le sens où elle s’oppose aux lois naturelles). Le banquier arrive, en démontrant que le groupe est forcément une tyrannie, à dire qu’il faut d’abord lutter pour soi-même et par soi-même. De plus, il explique que la nature de l’homme fait qu’il lui faut une récompense matérielle. Quelle est la plus grande fiction sociale ? L’argent. Faut-il le fuir ou le dominer ? Le dominer car la fuite (en vivant d’amour et d’eau fraîche) n’est pas une solution. Dominer l’argent et se récompenser en en amassant plein, et en devenant ainsi plus libre, quand on est né pauvre, c’est vivre selon des principes anarchistes.
Après lecture et réflexions, je pense que le point faible du raisonnement est le fait qu’à certains endroits il repose sur des assertions plutôt que sur des démonstrations. Par exemple, à la fin, le narrateur qu’il a contribué à établir une tyrannie de l’argent. Le banquier lui réplique qu’il l’a à la limite renforcée mais qu’il ne l’a pas créée. Or l’anarchisme c’est justement ne pas créer de nouvelles fictions sociales. Cela ressemble plus à une justification qu’à un argument.
Sur le moment, on ne s’en rend pas compte. À la fin du livre, on se retrouve surpris de la conclusion. Par exemple, j ai cru pratiquement jusqu’au bout qu’il allait nous expliquer qu’il aidait d’autres personnes à être plus libre avec son argent.
Pour finir, une citation que certains pourraient faire leur :
Je n’ai jamais aidé et n’aide jamais personne : cela diminue la liberté d’autrui, et m’est insupportable.
Références
Le Banquier anarchiste de Fernando PESSOA – fiction traduite du portugais par Joaquim Vital (Littérature / Éditions de la Différence, 6ième édition en 2011)
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