Ce blog a décidé de s’associer à un projet ambitieux : chroniquer l’ensemble des romans de la rentrée littéraire ! Vous retrouverez donc aussi cette chronique sur le site Chroniques de la rentrée littéraire qui regroupe l’ensemble des chroniques réalisées dans le cadre de l’opération. Pour en savoir plus c’est ici.
Mathilda Savitch, la narratrice, a perdu sa soeur ainée il y a un an. Hélène avait seize ans et a été écrasée par un train. Tout le roman tourne autour de ce deuil impossible. Les parents de Mathilda, tous les deux universitaires qui prenaient le train pour aller au travail, ne veulent pas en parler. La mère s’isole dans l’alcoolisme. À part dire à Mathilda « ne sort pas », elle ne communique plus avec sa seconde fille qui est complètement paumée. Le père essaye de vivre comme il peut. Tout ça pour dire que Mathilda est toute seule face à une mort qu’elle ne comprend pas : qui a pu pousser sa soeur sous le train ? Si le roman n’était que ça, je vous dirais c’est plutôt pas mal mais j’ai déjà lu des livres plutôt pas mal sur le même sujet, par exemple Mon frère et son frère de Hakan Lindquist. Mais ici Victor Lodato arrive à faire quelque chose d’assez exceptionnel : nous faire ressentir les peurs et les craintes d’une jeune adolescente américaine. Quand je regarde les séries, on parle des troubles des adolescents suite aux attentats terroristes mais je me suis toujours demandée si il n’en faisait pas un peu beaucoup. Mathilda était toute petite le 11 septembre. Elle ne se rappelle plus de grand chose. Sauf que tous les matins il y a la minute de silence à l’heure des attentats, qu’elle voit au journal télé les attentats dans le reste du monde, qu’elle et ses amis cherchent des images sur Internet et qu’au final l’image du terroriste reste dans sa tête. La mort d’Hélène fait rentrer dans sa vie les agressions du monde extérieur qui sont déjà exacerbées chez elle. En plus, elle est à l’adolescence où les relations amicales et amoureuses ne sont pas bien définies. L’écriture de Victor Lodato nous fait rentrer dans cette existence bien perturbée en faisant dire à Mathilda tout ce qu’elle pense dans une langue vive, violente mais intime (je sais c’est contradictoire). On peut lire ce livre comme un roman d’apprentissage. Au début, elle n’est qu’une petite fille ; à la fin, c’est une jeune femme qui a compris un peu plus Hélène.
Un extrait sur le pouvoir des mots : « J’écris à n’en plus finir, des choses qui sont arrivées, qui ont été dites. Ce ne sont plus que des mots à présent, ils ne peuvent faire de mal à personne. En tout cas, pas mortellement mal. J’ai entendu dire que les mots peuvent tuer, mais ce n’est pas vrai. Vous ne pouvez pas tuer quelque chose qui est déjà mort. Tel que le passé. Vous ne pouvez pas faire que quelque chose qui s’est passé n’arrive pas. Vous devez seulement vivre avec, que ce soit un chose que vous avez faite ou que quelqu’un d’autre vous a faite. » (p. 251)
En conclusion, un livre qui me restera longtemps en mémoire.
J’en profite pour remercier Guillaume Tesseire de Babelio et Abeline Majorel de Chroniques de la rentrée littéraire de m’avoir permis de lire ce livre en avant première.
Références
Mathilda Savitch de Victor LODATO – traduction de l’anglais (États-Unis) par Franchita Gonzalez Battle (Liana Levi, 2009)
La page des éditions Liana Levi sur le livre : vous pourrez y trouver la présente par l’éditrice et la lecture des toutes premières pages.
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