Cela fait quelques semaines que je lis des livres sur ma liseuse, en prenant mon petit déjeuner, au lieu d’écouter la radio. Tout cela, dans l’espoir de commencer ma journée un peu moins stressée, voire énervée. Cela marche plutôt bien, puisque je commence mes journées, plus contente, mais parfois, comme avec ce livre, cela peut entraîner des retards dans ma routine matinale.
J’ai donc lu le deuxième roman d’Aliona Gloukhova cette semaine. Ce roman court est magnifique : tout en sensibilité, délicatesse, empathie. Par des chapitres courts, l’auteure raconte parallèlement l’histoire de deux femmes.
La première s’appelle Ana, habite au Portugal, et travaille sur une thèse dont le sujet est le poète russe, Gor, connu pour son recueil Blocus sur le siège de Leningrad. Elle développe, dans le cadre de son travail, une théorie originale : pour comprendre le poète, il faut vivre les souffrances qu’il a eu à subir (c’est mieux expliqué dans le livre, ne vous inquiétez pas : il ne s’agit pas de mourir pour mieux comprendre la mort d’un personnage). Bien sûr, elle ne peut pas revivre le siège de Leningrad, mais Ana vit un drame. Elle survit plus exactement, et c’est son travail qui lui permet d’éviter de penser à ce drame personnel. Tout cela est dévoilé au cours du récit, par petites touches. Finalement, elle réussira à retrouver un sens à sa vie (en tout cas, on peut le penser) en allant vivre au fin fond de la Biélorussie.
Tout cela, nous est expliqué par l’auteure / narratrice (en tout cas, on peut penser qu’il s’agit d’une seule et même personne), qui elle aussi travaille sur Gor pour un livre, et découvre le travail d’Ana quelques années après sa « disparition » en Biélorussie, en lisant les carnets que la jeune doctorante a laissés derrière elle. L’auteure / narratrice vit elle aussi une crise dans sa vie (notamment dans son couple). Cette crise vient entre autres de son questionnement sur la Biélorussie (un manque serait plus exact, je pense), pays qu’elle a quitté, sans jamais y retourner.
Par ce résumé, on voit bien, je pense, la construction en abîme du roman : Gor, Ana, la narratrice. Ce que j’ai trouvé admirable dans ce roman est que la mise en abîme ne se fait pas seulement dans l’histoire, mais aussi dans l’écriture et dans la thématique sur l’écriture. La théorie d’Ana est que l’on comprend mieux un auteur en vivant intimement ce qui l’a fait écrire. Ana souffre comme Gor a souffert, la narratrice souffre pour Ana, le lecteur souffre pour ces deux femmes. L’auteure arrive à vous faire ressentir de l’empathie pour les deux femmes (surtout, pour être honnête, avec Ana). Par exemple, Ana a des crises d’angoisse lors que la pensée du drame qu’elle cherche à éviter revient. Elle appelle cela la montée des eaux. Personnellement, j’ai ressenti cela, comme si j’avais le souffle coupé. Tout cela en très peu de pages. Comme je l’ai dit, le livre est constitué de très courts chapitres. On tourne toujours la page, car on ne veut pas quitter les deux femmes.
Références
De l’autre côté de la peau de Aliona GLOUKHOVA (Verticales, 2020)
Laisser un commentaire