J’ai acheté ce livre la dernière fois que je suis allée à la librairie à Paris. Il était mis en évidence, et le résumé me plaisait plutôt. Cela commence toujours comme cela …
Apparemment, on en a beaucoup parlé, mais comme je n’avais rien entendu donc je vais supposer que vous êtes dans le même cas. Ce court roman (100 pages) est présenté comme le roman de #MeToo, mais pas côté victime, plutôt côté société. L’histoire se déroule à New York, dans le milieu de l’édition. Le livre alterne deux points de vue. Le premier est celui de Quin, qui vient d’être licencié de la maison d’édition où il travaillait (et à qui il assurait un certain succès), après avoir été accusé de comportements inappropriés avec les femmes. On ne parle pas ici de viol à proprement parler, mais de questions et remarques déplacées sur les préférences sexuelles des femmes, ainsi que de gestes trop appuyés. Le second point de vue est celui de Margot, amie de longue date de Quin, qui prend sa défense, même si elle est en colère contre lui, car elle l’avait prévenu que son comportement pouvait lui attirer des ennuis.
Ce livre m’a profondément dérangé. L’auteure veut faire la démonstration qu’après #MeToo, on ne peut plus se permettre les mêmes choses qu’avant. Sur le constat, je suis plutôt d’accord. Sur la manière dont Mary Gaitskill veut nous le montrer, beaucoup moins. J’ai personnellement eu le droit à des blagues graveleuses à mon travail, quand j’étais plus jeune, et cela ne m’a jamais plus dérangé plus que cela. Mais là, on ne parle pas de cela : un monsieur demande à sa secrétaire si elle aime la fessée, car cela l’aiderait à mieux la comprendre. Il fait du shopping avec des femmes avec qui il ne devrait pas entretenir ce type de relation, puisqu’il a une relation de subordination avec elles. L’ensemble de son comportement est complètement inapproprié, mais à mon avis, l’était déjà avant #MeToo. Il confond ses amitiés, avec ses relations professionnelles.
L’auteur, au lieu de contrebalancer le point de vue de Quin avec celui d’une victime, utilise celui de Margot. Son argument est que oui, Quin peut être lourd, que son comportement peut être gênant, mais qu’il est fondamentalement gentil. Son principal souci est d’aider les autres. D’ailleurs, il a essayé de se comporter comme cela avec Margot, mais elle l’a tout de suite rembarré et après ils sont devenus les meilleurs amis du monde. Il a d’ailleurs fait beaucoup pour elle, en lui permettant de se construire une confiance en soi. Les autres auraient dû faire pareil, si cela les dérangeait tant que cela.
Comment dire ? Ce livre manque totalement d’empathie. L’auteure n’arrive pas à saisir la variété des situations. Des femmes peuvent se sentir obligées de tolérer certaines choses, parce qu’elles pensent que si elles ne le font pas leur carrière est fichue. Elles peuvent aussi ne pas être capables de saisir sur le moment qu’une situation est dangereuse, et qu’une fois que celle-ci est installée, il peut être difficile de s’en sortir. Une situation peut dégénérer, jusqu’à vous pourrir la vie entière, alors qu’au début ce n’était pas si grave. Je suis d’accord qu’il ne faut pas tomber dans la caricature inverse, en faisant de l’homme le plus grand des monstres, alors qu’il était adulé le jour d’avant. Mais de là à dire qu’il n’y a aucun problème, que ce n’est qu’une question d’époque, je suis perplexe. Après, est-ce que l’on peut se donner l’excuse du milieu où se déroule l’histoire ? Franchement, je ne sais pas.
En ce qui concerne le roman, c’est bien construit. L’alternance de courts chapitres amène un certain rythme, qui rend le livre assez plaisant à lire, malgré l’histoire. On comprend bien le point de vue de Quin. On le prendrait presque en pitié, car il voit la vie qu’il aimait s’écrouler. Dans les derniers chapitres, il dit même que des gens comme lui ne pourront plus exister. Par contre, sa gentillesse et son désir d’aider les autres m’ont paru assez superficiels. Je n’ai pas compris Margot. Elle nous parle plusieurs fois de colère contre Quin, mais je ne l’ai pas lu. C’est juste une parole lancée, comme cela. J’ai plutôt ressenti du dépit, sa colère étant plutôt contre elle. Elle n’a pas su voir le danger, avant qu’il se profile.
Je pense que j’aurais dû m’abstenir de lire ce livre. J’ai été attiré par une histoire autour de #MeToo, mais j’aurais dû me méfier des milieux artistiques new-yorkais. Leurs préoccupations sont trop différentes des miennes, et je n’arrive en général pas à bien saisir les enjeux des romans dont ils sont le centre.
Références
Faites-moi plaisir de Mary GAITSKILL – traduit de l’anglais (États-Unis) par Marguerite Capelle (Éditions de l’Olivier, 2020)
Laisser un commentaire