Il y a deux semaines je vous parlais de ma lecture de Une autre idée du silence de Robyn Cadwallader et je vous demandais si vraiment, comme je l’avais lu sur plusieurs commentaires de blogs, cela ressemblait au livre de Carole Martinez. Gwenaëlle m’avait répondu que c’était proche dans le thème mais très différent dans le contexte. Intriguée, je l’ai emprunté en numérique à la bibliothèque et je me suis lancée.
J’ai adoré le début mais mon enthousiasme n’a fait que décroitre tout au long de ma lecture, dû au caractère de l’héroïne.
Je rappelle l’histoire pour ceux qui comme moi ne la connaissait pas. L’héroïne, Esclarmonde, unique fille d’un seigneur de Bourgogne, choyée par son père, vit une vie paisible mais un peu trop surprotégée. En âge de se marier (on est au XIIième siècle), son père la destine à un jeune homme qu’il a élevé comme son fils et qu’il porte en haute estime, et qui est reconnu pour ses talents guerriers mais aussi pour être brutal envers les femmes. Refusant de se plier au désir de son père le jour du mariage, elle se coupe une oreille et lui demande de faire construire un réclusoir, attenant à la chapelle du château, pour se dédier à Dieu. Le matin de l’enfermement se passe un évènement décisif qui changera complètement la donne de son engagement et surtout la tournure du roman. Personnellement, j’ai trouvé que cet évènement était un peu trop too much.
C’est à partir de ce moment là que le roman a commencé à moins me plaire. On voit que le point commun entre les deux livres est le fait que les deux héroïnes voient, dans la réclusion, un moyen de gagner une liberté que les femmes n’avaient pas à l’époque, en France ou en Angleterre. Dès le départ, Carole Martinez présente une héroïne avec beaucoup plus de caractères que celle de Robyn Cadwallader, avec une vraie voix et la volonté de reprendre une partie du langage du Moyen-âge (cela ne parle pas moyenâgeux non plus mais cela en donne l’impression). C’est un peu une femme moderne au Moyen-Âge. Cela m’a plu, au départ (cela correspond environ au cent premières pages).
Au fur et à mesure que j’avançais dans ma lecture, Esclarmonde a commencé par me taper sur le système car elle était devenu tout simplement trop sûre d’elle. Clairement, je n’ai pas compris ses motivations religieuses et elles ne sont pas particulièrement explicitées. Mais au fur et à mesure de sa réclusion, elle devient de plus en plus humaine, de plus en plus sûre d’elle et odieuse quand elle utilise le pouvoir qu’elle a, en tant que recluse, auprès des serfs de son père ou des pèlerins de passage. Alors qu’elle est censée se rapprocher de Dieu, elle semble plus impliquée dans la vie du village et du château que jamais. Là où Robyn Cadwallader tenait 400 pages, dans un réclusoir, avec comme toile de fonds un village anglais, Carole Martinez ne tient pas 220 pages sur le thème et privilégie la peinture d’une époque, certes très réussie mais ce n’est pas ce que je cherchais.
De plus, comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas quelqu’un de religieux et j’ai donc énormément de mal à comprendre les convictions religieuses qui rendent un peu hystérique ou qui ne sont pas dictées par une réflexion personnelle. Bien sûr, la Sarah de Robyn Cadwallader croyait dans un Dieu qui lui avait été imposé par son époque, son pays, sa famille. Elle n’ont plu voulait une liberté qu’elle ne pouvait avoir autrement et voulait devenir une sainte en se rapprochant de Dieu. Après la réclusion, on voyait tout le processus de raffermissement de sa foi, la difficulté d’adaptation à cette nouvelle vie, très dure. L’évènement too much de Carole Martinez fait qu’on ne voit pas tout cela ; il rend l’intrigue plus moderne mais détourne le livre de son sujet de base, qui était ce qui m’intéressait.
Si l’on dépasse cette déception initiale et que l’on s’intéresse au Moyen-âge, le livre est très intéressant et semble bien documenté. On peut en apprendre beaucoup sur les croyances de l’époque, la vie dans un château, les relations de servage entre les différents seigneurs et sur les croisades. J’ai personnellement trouvé que les autres personnages restaient un peu en retrait par rapport à Esclarmonde parce que justement, celle-ci a une voix extrêmement forte. Pour moi, l’intérêt se situe plutôt au niveau Histoire que personnages.
Une lecture en demi-teinte donc, sûrement car j’y cherchais ce qui ne s’y trouvait. Je l’aurais lu dans un autre contexte, peut être m’aurait-t-il plu.
L’avis de Gwenaëlle donc, de FondantGrignote, et un autre sur le site Lecture/Écriture.
Références
Du domaine des Murmures de Carole MARTINEZ (Folio, 2013)
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