Cela fait déjà trois ans que je lisais La Claire Fontaine du même auteur. Quand j’ai pris le livre à la librairie, le libraire m’a dit que c’était différent mais que c’était bien quand même.
En effet, c’est très différent. David Bosc a découvert l’histoire de Sonia A. dans les notes du poète Georges Henein. Cette femme, fille d’un diplomate espagnole, artiste de son état, s’est suicidée à l’âge de 23 ans, en se jetant par la fenêtre, le 4 septembre 1945. L’auteur n’a trouvé que quelques coupures de journaux relatant cette histoire. Ce livre est donc clairement un roman, même si le personnage principal a existé.
La première partie du livre, très courte, fait place au chagrin du père suite au suicide de sa fille et surtout à son désir de comprendre pourquoi. Pour cela, il rompt les scellés de l’appartement et cherche un indice. Il découvre un livre où sa fille a tenu une sorte de journal entre les lignes. C’est ce journal qui constitue la deuxième partie du livre.
Plus qu’un journal linéaire, il s’agit de pensées et d’observations, non articulées les unes avec les autres et non datées. À travers ce journal, on découvre la personne de Sonia et surtout son sens de l’observation et sa capacité à faire vivre ce qu’elle voit. Elle alterne une folie de vivre (et une aptitude à rendre poétique et très fort ce qu’elle vit) avec une sorte de deuil ; c’est un peu l’époque qui veut cela aussi, la guerre vient de se finir. On cherche à panser les plaies tout en voulant reprendre la vie là où on l’avait laissée.
Je suis toujours un peu gênée quand un livre prend cette forme. Il n’y a pas vraiment de narration ; le but est surtout de rendre un personnage dans toute sa complexité. Du coup, la lecture linéaire est difficile. Si on enchaîne les paragraphes, on ne voit rien. Si on lit un paragraphe puis on repose le livre …, l’écriture frappe par sa capacité à rendre les sensations et sentiments des choses les plus ordinaires (le livre est très physique), à les rendre dix fois plus intéressant. Si on fait ce type de lecture, le livre de David Bosc est un très bon livre. Si on se laisse piéger par la première, clairement on s’ennuie. Le problème est que la première partie du livre encourage à la première version et non à la deuxième et qu’il est difficile de passer de l’une à l’autre.
Pourtant, c’est aussi un moyen pour l’auteur de faire sentir la différence entre Sonia, qui voit le monde avec une très grande acuité tout en le rendant plus fantasque qu’il ne l’est, avec son père, et son fonctionnement linéaire, qui prend des choses inutiles pour importantes.
Ce n’est pas le coup de cœur que j’avais eu pour La Claire Fontaine, qui était plus abordable par rapport à ce que je lis d’habitude. C’est un beau livre (avec des passages magnifiques que j’ai noté) mais je ne pense pas qu’il reste longtemps dans ma tête. Désolée.
Un extrait
Faire un pas supplémentaire, un pas au-delà, un saut hors de la chose et de la cadence, cet effarant tic-tac de la marche du monde que mon rythme propre contrarie, contrarie à contretemps, par des stridences des apnées, des clappements de lèvres.
Références
Mourir et puis sauter sur son cheval de David BOSC (Verdier, 2016)
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