J’ai été samedi à la librairie La Procure, en sortant de l’exposition Fragonard du musée du Luxembourg. Je vais rarement dans cette librairie car je ne m’y sens pas forcément très à l’aise mais les trois fois où j’y suis allée, j’ai toujours trouvé des livres dont je n’avais jamais entendu parler. Les libraires ont des coups de cœur très personnel.
Je vais donc aujourd’hui vous présenter une de mes acquisitions, lue cette semaine. Je n’ai aucun mérite car il fait seulement 112 pages.
Le livre est écrit sous forme de journal, du 12 juin au 7 octobre. L’auteur est un médecin installé à Stockholm (qui ressemble à un petit village car tout le monde a l’air de se connaître et de se croiser très souvent), célibataire, un peu comme on entre en religion, et surtout plein de grands principes sur son « devoir ». Il reçoit souvent la visite de femmes ou de jeunes femmes en « difficulté » à cause de grossesses trop fréquentes ou plus généralement non désirées. Il refuse à chaque fois d’arranger les choses, prétextant son « devoir » (je le mets entre guillemets car il le dit avec tellement d’emphase).
Un jour arrive Helga Gregorius, femme, très jeune femme du « vieux » révérend Gregorius , vient lui demander son aide pour trouver un moyen d’empêcher le révérend de lui faire accomplir son « devoir conjugal » car elle est dégoûtée et surtout a un amant qui lui convient beaucoup mieux. Il doit donc mentir et prétexter une maladie à la jeune femme (et l’annoncer au mari). Contre toute attente (la sienne et celle du lecteur), il accepte car il est attiré par cette jeune femme. Comme cela ne marche que quinze jours, il éloigne le mari en cure pour plus d’un mois et demi. Quand le révérend revient, il constate que rien n’y fera et se demande s’il ne doit pas agir autrement.
Il ne profite pas de ce laps de temps pour entreprendre la jeune femme, qui reste avec son amant mais plutôt pour réfléchir à la manière dont une jeune femme s’est fait piéger par ce mari. Il réfléchit là encore en terme de justice et de devoir. Il voit toute sa vie et celles des autres par ces prismes. Cela donne un journal très heurté, un peu noir, bouillonnant aussi, où il se défoule car à l’extérieur, il ne peut pas et ne veut pas. Il ne s’autorise pas à vivre comme ses contemporains ; j’ai conscience que l’époque entre jeu. La fin est une surprise pour le lecteur au vu du personnage.
Avec ce côté trop moralisant, je n’ai pas réussi à m’attacher au personnage du docteur Glas, mais j’ai eu pitié de ceux qui le côtoie, en particulier du pasteur et de sa femme car le pasteur lui sert de bouc-émissaire et il se sert de Helga comme d’une sorte d’objet pour satisfaire sa morale et lui-même. Il en tire du plaisir de cette manière ; j’ai eu l’impression qu’il ne lui conférait pas le statut de personne mais plutôt celui d’objet. J’ai, malgré le personnage, aimé le livre (c’est une bonne lecture) car il donne à voir à travers les yeux d’un homme trop solitaire, qui justifie ses choix de vie plutôt par des principes que son histoire et les hasards de la vie.
L’écriture et le rythme sont « classiques » mais restituent très bien la manière de penser de l’homme. Plus que par la narration, on arrive très bien à se figurer le caractère du personnage. Un autre point positif est qu’en 112 pages, il n’y a rien à jeter. C’est ni trop peu, ni pas assez.
La quatrième de couverture présente ce livre comme un classique suédois. Il a donc été écrit par Hjlamar Söderberg (1869-1941), publié pour la première fois en 1905. En 2013, les éditions Viviane Hamy ont (re)publié trois de ses textes. Docteur Glas sort en ce début d’année dans le cadre de la parution du livre de Bengt Ohlsson Gregorius (Phébus, 2016) racontant les mêmes faits mais du point de vue du révérend. Je pense que je vais me pencher sur ce livre, même s’il est bien plus épais (fainéantise quand tu nous tiens …) car cela m’intéresse de savoir si cet écrivain a vu le révérend de la même manière que moi.
Références
Docteur Glas de Hjlamar SÖDERBERG – traduit en français d’après un original suédois par Marcellita de Moltke-Huitfeld et Ghislaine Lavagne (Libretto, 2016)
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