Désolée une nouvelle fois pour mon absence. C’était pour la bonne cause car j’ai fait un exposé en allemand sur une auteure allemande, d’origine hongroise (dont j’ai lu trois livres et demi sur quatre). Cela m’a pris beaucoup de temps et cela n’a pas intéressé grand monde mais je suis contente que cela soit terminé. J’ai ensuite lu plusieurs gros livres (et en général, je suis tellement dedans que j’oublie un peu tout). La pile des livres dont je veux vous parler s’allonge moins que la PAL mais tout de même.
Mais là aujourd’hui, il fallait absolument que je vous parle de ce tout – trop petit livre – de Laure Murat. J’adore cette auteure depuis Passage de l’Odéon qui m’avait fait découvrir Sylvia Beach et Adrienne Monnier (et surtout beaucoup rêver). J’ai hésité longtemps pour savoir si j’allais plutôt le lire en ebook ou en livre papier mais j’ai lu cette semaine l’avis de Cuné sur le second livre d’elle qui a paru en même temps. Aujourd’hui, je suis allée à la librairie et j’ai pris les deux.
Je suis rentrée à la maison et je l’ai lu tout de suite, en une heure. 8 euros en une heure. Vous pouvez répliquer que j’ai mangé mon sandwich plus rapidement et que j’y ai pris moins de plaisir. Je ne vous dirai rien.
Pour ceux qui l’ignorent, ce livre est le compte rendu du projet de Laure Murat de noter tous les livres qu’elle voit les gens lire dans le métro parisien (elle a aussi essayé à Los Angeles et New-York mais visiblement ce n’est pas pareil). Aujourd’hui, elle enseigne aux États-Unis mais pour son enquête sur la relecture, elle a séjourné un peu à Paris, deux années de suite. Ce projet est né d’une idée qu’elle a volé à un monsieur qui faisait cela dans le métro. Cela ressemble un peu au projet de Matilda quand elle était sur Paris.
On trouve ses relevés en fin de livre mais j’en reparlerai après. Le corps du texte restitue plutôt ses impressions au cours du projet. C’est ce que j’ai adoré bien évidemment. Un des seuls plaisirs quand vous prenez les transports parisiens est de regarder ce que les autres lisent. Il y a les femmes, la quarantaine, qui lisent plutôt les best-sellers de Gilles Legardinier ou de Katherine Pancol, les jeunes demoiselles qui sont plutôt Marc Levy. J’avoue que je passe vite sur ces personnes-là parce qu’en général je connais le livre. J’avoue que cela ne m’intéresse pas parce que je ne les associe à rien. Je guette plutôt le livre atypique ou le livre que je ne connais pas. J’ai ainsi croisé un jour un lecteur de Ainsi parlait Zarathoustra dans un RER bruyant, un lecteur de Pâques sanglantes de Iris Murdoch (pourquoi lisait-il ce livre?), des lecteurs d’essais avec des sujets complètement improbables. Quand vous essayez d’associer le lecteur au livre, l’imagination part tout de suite ou si vous n’avez pas le temps de l’observer vous vous faites un commentaire comme quoi il doit être beaucoup plus intéressant que ce dont il a l’air.
J’ai trois lecteurs que je surveille tout le temps car ce sont des habitués de mon RER B du matin. Il y a un jeune monsieur, très sérieux, qui monte tous les matins à Parc de Sceaux avec son Kindle, sa chemise marron et ses lunettes aux tours noir. Il s’assoit toujours à la même place, lit sans se déconcentrer jusqu’à Châtelet. Il a l’air d’être l’efficacité même, dans sa personne mais aussi dans sa lecture. C’est quelque chose de tout à fait fascinant car même en l’observant, je n’arrive pas à le voir tourner les pages.
Il y a un monsieur qui ressemble à George Martin, l’auteur du Trône de Fer, que je croise uniquement le mardi ou le jeudi et qui lui lit des livres de science fiction mais qui ont plutôt l’air typé young adult. Il est marié et toutes les fois, je me dis qu’il n’a plus l’âge de lire cela mais que c’est peut être pour les conseiller à son fils ou pour se sentir proche de lui. Ou sinon il a une vie cachée. Il monte avant moi donc je ne peux pas savoir où il habite sinon j’aurais pu me faire encore plus de films.
En parlant d’une qui monte avant moi, il y a la plus fascinante du monde, celle qui se promène avec un Tote Bag de la librairie Charybde. Elle est là tous les jours sauf le vendredi, va à La Défense, et lit aussi sans décoller son nez du livre. Pratiquement tous les jours, elle a un nouveau livre, même si celui de la veille était très gros. Souvent je n’ai absolument jamais entendu parler d’aucune de ses lectures. Vu l’heure, elle ne peut pas travailler aux librairies de La Défense donc je m’interroge sur ce qu’elle fait, qu’elle est sa vie pour pouvoir lire autant et si vite. Je suis pratiquement sûre que l’on pourrait devenir amies (elle a l’air complètement atypique avec des cheveux multicolore et des vêtements très colorés). En tout cas, j’adorerais discuter avec elle.
Laure Murat arrive à retranscrire très bien le fait qu’observer les gens qui lisent ouvrent un autre monde sur leurs vies (c’est très intime de regarder les gens réagir à leur lecture), le fait qu’en les observant, en tant que lecteur, surtout quand on a lu leur livre, on se sent plus proche d’eux que des autres voyageurs (il n’y a un peu rien à observer chez les autres mais bon, on ne va pas insister dessus).
J’ai trouvé très intéressante son observation sur le fait que les trajets en métro sont courts, ce qui joue forcément sur les lectures. En fait, en regardant ses listes, je suis surprise des titres relevés car ce n’est clairement pas des lectures de banlieusards. Je n’en ai vu que très peu du même type (il y a peu de classiques anciens sur mes trains mais par contre plus de classiques contemporains). Il y a plus de livres dans les RER que dans les métros visiblement (je parle pour l’heure pointe ou les heures en journée dans mon cas). Je n’avais pas réfléchi aux trajets plus longs mais maintenant cela me semble normal.
Ce qui est bien avec Laure Murat, c’est l’impression que l’on a d’être avec une femme « normale ». Elle ne sacralise pas la lecture, ne se moque pas. Elle aime lire en électronique (combien d’auteurs « reconnus » osent le dire) !!! J’ai adoré le fait qu’elle s’énerve de ne voir aucun titre sur les appareils. J’ai admiré son stratagème pour retrouver le fameux titre, en ne notant qu’une phrase et en la cherchant sur internet. C’est des choses que n’importe quelle lectrice / quel lecteur acharné(e) pourrait faire.
Comme tout le monde ne prend pas les transports parisiens, j’aimerais bien connaître vos observations sur les différents trains que vous prenez : TGV, Grandes Lignes… Y a-t-il plus de lecteurs que de lectrices ? Observez vous des livres qui sortent des sentiers battus ? Osez-vous aborder les gens comme Tu lis quoi pour mieux les connaître ? Êtes vous entraînés à reconnaître les couvertures des différentes éditions ?
P.S. Je ne sais plus si je vous ai déjà parlé de mon trajet du 2 janvier 2011 pour rentrer dans le Sud après les fêtes de Noël. Le TGV première classe était blindé avec des gens énervés qui criaient. Il y avait une femme qui explosait de rire régulièrement en lisant L’Oiseau Canadèche (avant que tout le monde en parle), tout en laissant ses enfants à son mari un brin débordé. Je ne l’ai toujours pas lu mais je suis sûre qu’il me plaira quand je le lirai, rien que pour ce souvenir.
J’ai fait un billet un petit peu blabla mais c’est toujours ce que j’ai envie de faire sur les livres qui parlent de livres et de lecteurs. J’attends vos anecdotes avec impatience.
L’avis de DG.
Références
Flaubert à la Motte-Picquet de Laure MURAT (Flammarion, 2015)
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