Ce texte est une lettre d’une trentaine de pages, adressée à une sœur. Je n’ai pas bien compris si le terme de sœur était à prendre au sens filial ou non car le thème principal de ce petit livre est la condition féminine (et accessoirement le temps qui passe). En plus, je ne connais pas du tout le contexte d’écriture de ce livre.
L’expéditrice revient de vacances d’été qu’elle a passée avec sa sœur dans une grande maison. Elle se remémore les moments d’insouciance, de discussions intéressantes … qu’elles ont eu ensemble. Elle évoque le fait que ce fut une pause agréable dans son quotidien de femme.
Le passage qui m’a le plus accroché (hormis les deux phrases de fin) et qui se situe au début du texte est celui-ci :
De retour, encore une fois… nous réinstallant pour passer un nouvel hiver à la campagne. Il n’y avait là, semble-t-il, rien de secrètement émouvant. C’étaient des faits, d’un ordre aussi simple, aussi paisible que le bruit et le mouvement du train poussif, qui par lentes étapes nous ramenait, le long de notre petite ligne, vers notre station. Durant le trajet, je pensais… à des arrangements domestiques : du moins, je me figure que j’y pensais : car ces préoccupations nous sont devenues, à toi et à moi, une seconde nature, au point que la difficulté n’est pas de les avoir mais de les écarter. Hélas ! quel gaspillage de nos belles intelligences, quel émiettement de nos précieuses énergies ! Le devoir, ce moustique irritant, monotone, sempiternel, s’est changé en un vaste et rampant organisme, dont l’appel est fatal comme le champ des sirènes. Ma sœur, nous sombrons, nous coulons ! Et nous aimons cela ! Nous préférons cela ! Oui, si cette voix faiblit, nous nous sentons menacées ; nous sommes prises de panique si elle se fausse. Et le sentiment d’être différentes nous gêne, comme un courant d’air sur la nuque. « Si seulement cela m’était possible »…, disons-nous. « Si je n’étais pas tellement rouillée »… « Si je n’étais pas sûre d’avance que la cuisinière donnera ses huit jours »… « Si je pouvais laisser les enfants »… Tout cela n’est que prétextes ! La sécurité, l’habitude nous sont une nécessité. Nous sommes les esclaves volontaires d’un ogre qui se nomme Train-Train. En un mot, nous ne sommes plus vraiment jeunes.
L’autre thème du livre est celui du temps qui passe (trop) vite et en toute logique l’auteur parle aussi du thème corollaire le sens de la (sa) vie.
Ce n’est pas LE chef d’œuvre de Rosamond Lehmann mais j’ai trouvé que le texte était bien mené. Le sentiment de nostalgie mais aussi de regret affleure tout au long du livre. Cela m’a rappelé un tout petit peu Virginia Woolf et sa Promenade au phare.
En remarque, je souhaitais juste dire que j’ai acheté ce livre sur galaxidion en très bon état. En tellement bon état que pour un livre publié en 1931, il n’était même pas coupé. Cela faisait plus de 80 ans qu’il attendait un lecteur ou une lectrice. C’est ce genre de choses qui me fait de la peine pour mes propres livres. Bien sûr, on ne verra pas que je ne les ai pas lu mais ils n’auront jamais trouvé personne pour les lire et auront vécu une vie de délaissement. Cela me donne envie de m’attaquer plus sérieusement à toutes mes piles à lire.
Références
Lettre à ma soeur (A letter to a sister) de Rosamond LEHMANN – traduit de l’anglais par Jean Talva (L’artisan du livre, 1931)
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