Le Voyageur sans voyage est publié dans cette collection de petits textes (ici une cinquantaine de pages), imprimée dans des livres carrés. J’avais déjà lu le livre de Hubert Mingarelli, La Source. J’en ai gardé le souvenir d’une histoire difficile mais exprimée avec force, poésie et ellipses.
La première chose qui frappe quand on feuillette le livre, c’est l’économie de mots, quitte à faire penser qu’il y a cette impression aérée pour pouvoir vendre livre à un prix élevé. Je ne me suis pas laissée berner car je savais qu’avec Pierre Cendors cela serait magique.
Le livre commence par une préface de Cécile Wajsbrot. La préface est belle et je peux même dire après la lecture, qu’elle a su décrire exactement ce que l’on pense. Je vous mets la préface entière même si c’est le mal (le texte est trop beau pour ne pas être partagé) :
Il ne faut pas beaucoup de mots pour dire les choses – il suffit que les mots soient justes. Et puis, il ne faut pas tout dire, il faut laisser planer le doute, il faut laisser un peu de place aux questions. Car c’est dans le décalage, dans la distance entre la certitude et l’inquiétude que s’installe la littérature. L’imprécision, la suggestion, la brume qui enveloppe le monde, et ces situations qui portent en elles l’ambiguïté – l’interstice où le mystère paraît. Dans le beau Voyageur sans voyage de Pierre Cendors, les mots sont jetés comme des filets ramenant sur le sable les richesses de la mer. Des mots comme l’attente, la glace, le train – qui tracent des espaces, ceux de l’imaginaire. D’autres mots évoquant la mémoire, le rêve, la question qui tourmente.
Une inquiétante étrangeté se lève car rien n’est à sa place ou plutôt, tout est déplacé, le train ne fait jamais halte et termine sa course immobilisé dans la forêt, les visages sont effacés, les regards, figés. Le monde oscille entre silence et répétition. Quelle immense erreur s’est produite ? Quel désordre irrémédiable ? Et cet enfant qui parle peu possède-t-il la réponse ?
C’est un livre d’images prégnantes qui se traverse comme un rêve. À la fin – au réveil – on sait ce qu’on a vu sans pouvoir le décrire. Reste la sensation d’avoir approché quelque chose que la réalité n’aurait pas pu révéler ou qu’on n’aurait pas su reconnaître.
Il ne faut pas beaucoup de mots avant de commencer à lire – car Le Voyageur sans voyage est un livre rare qui se suffit à lui-même.
Vous l’aurez compris, c’est l’histoire d’un train bleu qui passe dans un gare et est observé au début par tous et ensuite par un homme et un enfant. Et ce, jusqu’au jour où l’enfant montre à l’homme où le train s’arrête et qui sont ses passagers. Il y a toute une ambition allégorique qui nous est dévoilée à la toute fin (on ne se contente pas de cette histoire un peu bizarre). On traverse le livre plutôt comme dans un rêve (comme le dit la préfacière), avec un peu de tension car la situation nous échappe (on ne sait pas où l’auteur veut en venir). Pourtant, on admire l’art de Pierre Cendors qui arrive à créer avec un minimum de mots tout un univers très personnel et très nouveau.
J’ai encore aimé ! J’ai lu ce week-end un nouveau livre de cet auteur et là c’est un coup de cœur. Je me demande quand il écrira un livre raté.
Références
Le Voyageur sans voyage de Pierre CENDORS (Cadex éditions / Texte au carré, 2008)
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