Quatrième de couverture
Soit un gosse de douze ans, misérable, surnommé le Nopal, qui inhale de la colle et lave les pare-brise aux feux rouges, et sa petite bande de copains aussi fêlés et mal lotis que lui. Soit le riche propriétaire d’une station de radio qui organise un concours d’ »enfants héros » – lesquels, pour être sélectionnés et gagner un million de pesos, doivent s’être distingués par un comportement héroïque lors de circonstances dangereuses ou tragiques. Soit encore Marquitos, le fils du directeur de la station radio, adolescent abruti qui s’amuse, avec le fusil paternel, à descendre les pauvres qui passent dans la rue et finit par en tuer un. D’autres encore, dont les flics pourris jusqu’à la moelle, des intellectuels déchirés entre leur foi révolutionnaire et leur carte de crédit. On agite le tout et on a un extraordinaire roman carnavalesque, grimaçant et féroce, sur la société mexicaine – et universelle – contemporaine. Toutes les variations de la méchanceté humaine sont au rendez-vous dès lors que l’argent pointe son nez. Personne n’est épargné, l’humour est grinçant, la charge féroce, l’horreur et le rire sont de la partie. Le tout dans un style brillant, pour faire de la réalité sociale une matière romanesque puissante, sans jamais tomber dans un réalisme édifiant.
Mon avis
Je ne connaissais pas du tout cet auteur mais il était dans la liste des 12 d’Ys (catégorie auteurs latino-américains) et en plus, il était à la bibliothèque. Je me suis dit que cela ne coutait rien de tenter et j’ai eu une très agréable surprise (j’ai un peu moins peur de la littérature mexicaine depuis quelques temps ; les souvenirs de Carlos Fuentes se sont estompés un petit peu).
Ce livre a tous les avantages d’un pavé sans en être un (cela enlève un des inconvénients du pavé par conséquent) puisqu’il ne fait que 260 pages. Il y a une foultitude de personnages. J’ai un peu du mal à dire principaux et secondaires car ils semblent tous importants au moment où on lit le roman tellement ils sont des rouages de l’histoire. Enrique Serna passe de l’un à l’autre sans souci, les transitions entre chaque chapitre étant très fluides. Il a un ton orignal ; l’auteur a en effet un ton plein d’humour et de tendresse, avec un soupçon de dénonciation pour nous raconter son histoire. À cette narration qui saute d’un personnage à un autre, Enrique Serna utilise différentes techniques : des scènes de film par exemple mais aussi un rembobinage de l’histoire (comme avec le magnétoscope).
Il y a tout l’aspect « sociologique » qui ressort du roman. Apparemment, il a l’air de décrire assez bien le pays (en tout cas, pour les trois critiques que j’ai lu et qui si cela se trouve ne sont jamais allés au Mexique). Le portrait que dresse Enrique Serna est sans concession : celui d’une société divisée en deux, les riches d’un côté, les pauvres de l’autre (il ne parle pas de classes moyennes)(d’un autre côté, je n’ai pas l’impression que l’on fasse beaucoup mieux). Les riches ont les moyens de cacher leur argent aux États-Unis où ils vont très régulièrement en vacances, d’avoir des discussions d’une futilité à faire peur et surtout de corrompre pour pouvoir échapper à tous les inconvénients que peuvent leur apporter leur malversation. Les pauvres sont condamnés à sniffer de la colle, à ne pas aller à l’école, à avoir des boulots abrutissants, à entreprendre tout et n’importe quoi pour gagner de l’argent (souvent des choses complètement stupides puisqu’ils ne sont pas allés à l’école, genre brûler le dos de ton gamin en le faisant sauver un gamin du feu que tu as toi-même allumé) et surtout à être victime de l’obscurantisme religieux (la mère de Jorge qui se faisait rabrouer par le curé car elle ne faisait pas l’amour avec son mari dans un lit et qu’elle y prenait du plaisir est l’exemple le plus frappant). Vous allez me dire que cela ne donne pas franchement envie d’y aller. Mais en fait non, les personnages sont très attachants et semblent prendre la vie comme elle vient. Ils semblent toujours en ébullition pour trouver un moyen de survivre, un peu comme vous le feriez vous. Je ne sais pas comment Enrique Serna s’y est pris mais ces personnages sont vivants et non pas seulement incarnés.
Le seul gros inconvénient du livre, c’est la mise en page très peu aérée qui rend le livre peu attrayant visuellement et peut même faire peur mais à mon avis, il ne faut pas se décourager et juste se laisser porter.
Références
Quand je serai roi de Enrique SERNA – traduit de l’espagnol (Mexique) par François Gaudry (éditions Métailié, 2009)
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