Quatrième de couverture
1862 : début des grandes réformes en Russie, qui annoncent une tentative de libéralisation du régime. Désireux de prouver sa largeur d’esprit, alors fort à la mode, un grand chef de l’administration s’invite à la noce d’un modeste fonctionnaire. La série de catastrophes découlant de cette très mauvaise idée est l’occasion d’une farce irrésistible qui, par son impertinence caustique, annonce déjà la révolution.
Un extrait
Où Dostoiëvski parle d’un petit fonctionnaire de Saint-Pétersbourg :
C’était un homme aussi doux qu’un poulet, de la trempe la plus ancienne, élevé au larbinisme, et, néanmoins, un homme bon et même noble. C’était un Russe de Pétersbourg, c’est-à-dire que son père et le père de son père étaient nés, avaient grandi et avaient servi à Pétersbourg, et qu’ils n’étaient jamais sortis de Pétersbourg. C’est là un type de Russes absolument particulier. Ils n’ont quasiment pas la moindre idée de la Russie, ce qui ne les dérange pas du tout. Tout leur intérêt se limite à Pétersbourg, et surtout, au lieu de leur service. Tous leurs soucis sont concentrés sur leur whist à deux sous, leur petite boutique et leur traitement mensuel. Ils ne connaissent aucune coutume russe, aucune chanson russe, sinon « Loutchinouchka… », et encore, seulement parce qu’elle est jouée à l’orgue de barbarie. [p. 55]
Une citation
Mais comment donc ? Tout à l’heure, ils reculaient, et, d’un seul coup, si vite, ils s’émancipent ! On pouvait croire que ça allait, mais ce passage, il était comme un peu étrange : il augurait quelque chose. Comme s’ils avaient complètement oublié que lui, Ivan Ilitch, il existait sur terre. [p. 58]
Mon avis
J’ai trouvé l’histoire intéressante mais cela manquait de contextualisation. La seule indication que l’on a pour comprendre les enjeux, c’est la phrase de la quatrième de couverture, genre on est tous des spécialistes de la Russie du XIXième siècle. De 1855 à 1881 a régné en Russie le tsar Alexandre II. Ce fut visiblement le tsar qui entama toutes les réformes même si certaines furent limitées ou pas appliquées. 1862, c’est aussi la période des insurrections polonaises. Ce règne est aussi le temps des Nihilistes. Je suis en train de lire le livre de Nicolaï Tchernychevski où dans la préface on nous parle des troubles estudiantins de 1862 … sans rien dire de plus (mais j’ai un livre dans ma PAL sur la Russie de cette époque, ne vous inquiétez pas). Or, le texte s’inscrit visiblement dans un contexte (j’ai été influencée par la lecture de Nabokov qui dit que Dostoïevski écrit des romans à suspens mais n’arrive pas à créer son univers)(Nabokov n’aime pas Dostoïevski, en tout cas le juge mineur). Ici, à l’interprétation de mes faibles connaissances, j’ai plutôt cherché à voir ce qu’il annonçait de la Révolution. Il n’y a vraiment que la citation et forcément cela déçoit.
Ce que l’on peut comprendre c’est que la Russie de l’époque était très hiérarchisée, qu’il y avait un respect supposé inné par les classes supérieures. Dans cette période de réformes, un général décide d’assister au mariage d’un de ses subordonnés (mais très en dessous), pour montrer son « humanité ». Le récit va se concentrer sur cette incursion : le général sera en trop et les plus pauvres vont s’adapter et se gêner pour lui. Ce que l’on peut en conclure c’est que la modification de la société est en cours mais n’est pas imminente car le général reste général et exige que les subordonnés lui obéissent (genre qu’ils rigolent à ses blagues mais aussi qu’ils s’adaptent à des réformes qu’ils n’ont pas décidées mais qui sont faites pour faire évoluer la société). Dostoïevski ne livre pas de conclusion mais présente une histoire. Il ne fait pas intervenir son narrateur pour aider à comprendre. Il fait de son récit une « farce », une pièce que l’on pourrait jouer au théâtre. Les « catastrophes » sont les faits d’hommes bourrés.
Il faut que je lise les « grands romans » pour me rendre compte moi-même de ce qu’est vraiment Dostoïevski et lire les nouvelles ensuite. En tout cas, lire le dossier que le Magazine littéraire avait consacré à l’auteur ou même une biographie. J’ai l’impression qu’en faisant comme cela, comme actuellement, il y a quelque chose qui m’échappe, une dimension que je ne capture pas.
Références
Une sale histoire de Fédor DOSTOÏEVSKI – récit traduit du russe par André Markowicz (Actes Sud / Babel, 2001)
Laisser un commentaire