Récits fantastiques russes de Lermontov, Odoïevski et Titov

Récits fantastiques russes est un regroupement de trois nouvelles du 19e siècle, où il est question de fantastique. Sur la quatrième de couverture, on peut lire un extrait d’un article du Monde d’Anne Rodier :

Le choix des textes qui composent le recueil a l’intérêt de présenter trois aspects de ce genre littéraire qui s’épanouit à Saint-Pétersbourg entre 1820 et 1840 : la notion de double (Le Cosmorama), l’apparition (Chtoss) et les forces du mal (Une maison solitaire sur l’île Vassilievski).

J’ai aimé la première nouvelle et la troisième mais la deuxième m’a paru étrange dans un recueil car elle est inachevée (une nouvelle est déjà courte alors si on en met une inachevée …) Les trois nouvelles ont en commun d’être originale dans l’histoire et même dans le ton.

Le Cosmorama (1840) de Vladimir Odoïevski (1803 – 1869). Le texte est introduit par le prologue suivant :

La passion que j’ai de fouiller dans les vieux livres me conduit souvent à de curieuses découvertes ; j’espère à la longue en livrer la plupart au public cultivé, mais j’estime que beaucoup d’entre elles nécessitent un prologue, une préface, des commentaires et autres appareils critiques ; il va de soi que tout cela exige du temps, aussi ai-je résolu de proposer aux lecteurs certaines de mes trouvailles simplement en l’état dans lequel elles me sont parvenues.

Pour commencer, je voudrais leur faire part d’un étrange manuscrit que j’ai acheté à une vente aux enchères, avec tout un lot de vieux livres de comptes et de papiers de famille. On ignore qui l’a écrit et à quelle époque, mais l’important est que la première partie, qui constitue un récit en soi, est rédigée sur du papier à lettres, d’une écriture assez récente et même fort belle, si bien que j’ai pu la remettre à l’imprimeur sans la recopier. Il n’y a donc rien ici qui soit de ma plume ; il se peut néanmoins que certains lecteurs me reprochent d’avoir laissé de nombreux passages sans explication. Je m’empresse de les rassurer en leur annonçant que je prépare environ quatre cents commentaires, dont deux cents sont déjà achevés. Tous les évènements racontés dans ce manuscrit y sont expliqués comme deux et deux font quatre, si bien qu’il ne restera plus la moindre ambiguïté ; ces commentaires constituent un volume in quarto assez considérable et seront publiés à part. Entre-temps, je travaille sans relâche à déchiffrer la suite du manuscrit, malheureusement rédigée d’une écriture tout à fait illisible, et je ne tarderai pas à la livrer à la curiosité du public ; pour l’instant, je me contenterai de l’informer que la suite a un certain lien avec les pages ci-dessous, mais embrasse la seconde moitié de la vie de l’auteur.

Un jeune garçon de 5 ans reçoit un jour un cosmorama. Par curiosité, il regarde dedans alors que cela lui était interdit. Il voit alors sa tante, qui l’élève, très proche d’un homme qui n’ai pas son oncle. Quelques temps plus tard, il s’avère que cet homme arrive dans la propriété et qu’il est l’amant de sa tante. Ce « malheureux » incident donne l’impression qu’il est capable de double vue et cela sera comme cela toute sa vie (qui nous est racontée de manière plaisante et de long en large dans la nouvelle). L’idée est bien plus originale que cette histoire de double vie. En fait, le petit garçon en regardant dans le cosmorama est rentré en contact avec un autre monde où les actions qui sont effectués dans cet autre monde se répercute dans le monde du narrateur. Il ne comprend pas ce qui lui arrive puisqu’il n’est pas au courant de ce qui se passe dans cet autre monde (il voit juste). Par exemple, si il est désagréable avec ses domestiques dans l’autre monde, il aura de la déveine dans le sien mais il ne comprendra pas pourquoi. De plus, les abominations de l’autre monde semble s’expliquer parce qu’il a au fond de son cœur. L’idée est tout à faire morale en réalité : ce que l’on a de mauvais au fond de soi s’exprime toujours et cela finira toujours mal pour nous (exprimée comme cela, cela fait bête mais l’auteur le dit beaucoup mieux). Tout cela, on ne le comprend qu’au fur et à mesure ; on est dans une ambiance fantastique et tragique (on s’attend à un dénouement comme dans les nouvelles anglaises) et au final, la fin est moraliste sans avoir l’air d’y toucher.

Chtoss (1841) de Mikhaïl Lermontov (1814 – 1841). La nouvelle est donc inachevée et finalement, on ne comprend pas le but de l’histoire et on reste sur sa faim. Un peintre emménage dans un appartement qui a toujours été loué mais jamais habité. Il y découvre un tableau fascinant peu après son emménagement. Quelques temps après, il a l’apparition d’un homme qui veut jouer contre de l’argent (apparemment c’est le gars du tableau si j’ai bien tout compris). Il va jouer tous les jours mais à un moment désire s’arrêter et là, il a une autre apparition, celle d’une femme. Il ne peut s’empêcher de jouer car il veut la revoir mais on ne saura rien d’autres. C’est très raconté ne vous y trompez pas mais on n’a juste envie de savoir quelle suite Lermontov aurait voulu écrire.

La petite maison solitaire de l’île Vassilievski (1828) de Vladimir Titov (l’histoire a été soufflée à l’auteur par Pouchkine). C’est l’histoire de l’amour entre deux jeunes gens contrarié par le Diable. La conclusion m’a fait sourire :

Mais mes honorables lecteurs seront plus à même que moi de juger s’il faut y croire, et d’où vient aux démons ce désir de se mêler des affaires des hommes alors que personne ne leur demande rien !

L’intérêt de la nouvelle, qui reprend le mythe des amants tragiques, vient des nombreuses péripéties qui surviennent (et aussi de la naïveté du jeune homme) et de la découverte du Saint-Pétersbourg de l’époque. Il y a bien sûr aussi la tristesse qui s’en dégage.

Références

Le Cosmorama de Vladimir ODOÏEVSKI – Chtoss de Mikhaïl LERMONTOV – La petite maison solitaire de l’île Vassilievski de Vladimir TITOV – traduit du russe par Sophie Benech – préface par Vitaly Amoursky (Les Massicotés / José Corti, 2007)

 


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