Court récit de 130 pages, paru pour la première fois en 1977, Granny Webster est réédité par Christian Bourgois dans une nouvelle traduction. Caroline Blackwood (1931 – 1996) disait de ce roman qu’il était un des plus autobiographiques.
Le livre est construit en quatre chapitres permettant de reconstituer au fur et à mesure l’histoire et la déchéance d’une famille anglo-irlandaise. Dans le premier chapitre, la narratrice fait la connaissance de son arrière grand-mère, grand-mère de son père dans des circonstances particulières. La Deuxième Guerre, où son père est décédé (en Birmanie) est terminée depuis deux ans, la narratrice vient de subir une légère intervention. Elle souffre pourtant d’une sévère anémie qui la voit contraindre à prendre l’air marin. La seule personne disposant d’air marin dans la famille est l’arrière-grand-mère Webster puisqu’elle habite très près de Brighton. Manque de chance, l’adolescente de quatorze ans ne verra la plage car l’arrière grand mère Webster ne supporte ni la lumière du jour, ni l’air frais, ni les bavardages, ni la mauvaise tenue, ni … un peu près tout en fait. Tout se passe comme si elle cherchait à sauvegarder à la fois les époques victorienne et edwardienne de toute influence extérieure, une sauvegarde qu’elle étend à sa propre personne. S’en suit pour la narratrice deux mois très difficiles mais quand la vieille dame la raccompagne à la gare, Granny Webster mentionne que son père (celui décédé en Birmanie) venait très souvent pendant la guerre la voir et qu’il lui manquait beaucoup. Il est bien entendu pour la narratrice que c’est très énigmatique, surtout qu’elle ne se rappelle plus réellement son père.
Les deux chapitres suivant seront plus ou moins les enquêtes de la jeune fille devenue femme pour comprendre. Elle « interroge » dans le chapitre 2, la sœur de son père Lavinia. Celle-ci est très enjoué et très fêtarde, très drôle aussi et pourtant elle vient de faire une tentative de suicide, sans que pour autant personne soupçonne son mal-être. À la lecture, on pense déjà qu’il y a un problème familial quelque part.
Le chapitre 3 trouvera quelques explications. En effet, la narratrice rapporte les explications d’un ami du père qui marque un tragique destin. La Granny Webster, écossaise inflexible, a perdu son mari très riche au bout d’un an de mariage. Elle a voulu que sa fille unique se marie jeune. Celle-ci aime la société alors quand elle se retrouve marier à l’héritier d’un manoir en Irlande du Nord où les seuls compagnons sont les fuites d’eau, le vent … elle perd la boule, marque de faiblesse que sa mère n’apprécie que très peu et dont celle-ci ne s’occupera jamais. Elle aura pourtant eu le temps d’avoir deux enfants. Le grand-père est désespéré, confronté à une habitation en décrépitude et une femme qui frôle la folie.
Le chapitre 4 verra la conclusion de cette quête de la compréhension.
Chacun des chapitres est très différent dans le ton adopté : le chapitre 1 est moqueur, ironique … le chapitre 2 est drôle à cause de la personnalité de la tante … le chapitre 3 marque le pragmatisme dont parle la quatrième de couverture et la chapitre 4 est d’une tristesse infinie. Ce changement de rythme donne une lecture jamais ennuyeuse, pourtant, il n’y a jamais aucun suspens. Cependant, le chapitre 3 est maladroit car il mélange à la fois les dires de l’ami, de la narratrice. On ne comprend plus trop de qui on suit l’avis. On sent pourtant ce qui nous est dit plusieurs fois : le destin de la famille est tragique pourtant il est accepté tel quel sans rechigné. C’est l’incarnation du concept de fatilité.
En conclusion, je dirais que c’est une lecture très anglaise. Ce n’est pas pour rien que Francis Wyndham, dont j’ai lu il y a quelques mois L’autre jardin, il y a quelques mois a dit dans le Sunday Times : « Ce livre est semblable à un boîte de chocolats fourrés aux amphétamines.«
Références
Granny Webster de Caroline BLACKWOOD – traduit de l’anglais par Michel Marny (Christian Bourgois, 2011)
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