J’ai déjà parlé de l’admiration que je porte à Annie Ernaux parce que j’ai lu quand j’étais jeune et que je trouvais qu’elle répondait à mes peurs d’adolescente. J’avais moins aimé ces derniers textes (j’ai Les années dans ma PAL mais tous les commentaires positifs m’ont donné l’impression que j’allais être déçue : je ne suis pas compliquée comme fille).
Là, je trouve qu’elle renoue avec tout ce que j’aime. Elle écrit une lettre à sa sœur disparue à l’âge de six ans, avant sa naissance. Elle a appris l’existence de cette sœur par le hasard d’une conversation qu’elle n’était pas destinée à entendre. Elle n’en a jamais parlé avec ses parents. Pourtant la famille lui en avait parlé avant mais elle n’a jamais voulu entendre cette existence. Cette fois, ce qui l’a marqué c’est le fait que sa mère ait ajouté que la sœur disparue était plus gentille qu’Annie Ernaux. Après, elle recevra des photos de cette petite fille.
J’ai trouvé le texte magnifique car il respire la sincérité d’Annie Ernaux. Elle ne cherche pas à se demander ce que cette sœur serait devenue mais s’interroge sur l’évolution de ses sentiments, sur ce que cette absence a mis dans la relation avec ses parents, sur le sens de certaines phrases dites, sur le pourquoi des silences … On apprend que finalement Annie Ernaux existe parce que cette petite fille est morte parce que les parents n’auraient pu élever qu’un enfant. On se dit que l’auteur a eu raison d’écrire ce texte pour exhorter ses pensées, ses sentiments …
Un extrait :
Dans quelques jours j’irai sur les tombes, comme d’habitude à la Toussaint. Je ne sais pas si j’aurai cette fois quelque chose à te dire, si c’est la peine. Si j’aurai de la honte ou de la fierté d’avoir écrit cette lettre, dont le désir de l’entreprendre me reste opaque. Peut-être que j’ai voulu m’acquitter d’une dette imaginaire en te donnant à mon tour l’existence que ta mort m’a donnée. Ou bien te faire revivre et remourir pour être quitte de toi, de ton ombre. T’échapper.
Lutter contre la longue vie des morts.
Un Annie Ernaux de la meilleure veine !
Références
L’autre fille d’Annie ERNAUX (collection Les Affranchis – NiL, 2011)
Laisser un commentaire