Quatrième de couverture
Persuadé que sa femme Hannelore, juge d’instruction, le trompe avec Valentin, un amour de jeunesse, le commissaire Van In ne décolère pas. Quelques instants après le retour de la belle (passablement éméchée) au bercail, il est appelé sur les lieux d’un suicide. Marcus Heydens, le père de Valentin, a été retrouvé pendu.
Que ce bon vivant très fortuné ait mis fin à ses jours semble peu probable. Lorsque Hannelore disparaît, l’affaire prend un tour dramatique, qui va pousser Van In aux portes du Palais royal …
Secrets de la grande bourgeoisie belge, imbroglios amoureux, règlements de compte au commissariat … Impulsif et incorrigible, le célèbre commissaire brugeois est ici au meilleur de sa forme !
Un extrait (un peu long …)
Une vénérable demeure aussi originale que son propriétaire se dressait quai de la Coupure. Marcus Heydens y organisait des concerts pour un public trié sur le volet ; il avait même fait construire à cet effet une tribune de bois dans son salon, convaincu qu’il était que la musique s’apprécie mieux lorsqu’elle vient d’en haut. Était-il fou pour autant ? Lui-même se qualifiait d’excentrique et se prévalait d’un QI aussi élevé que la Tour Eiffel. Outre les concerts, Marcus Heydens montait des séances de guignol à l’intention des enfants du quartier. Pour tromper l’ennui, il lisait l’Odyssée à voix haute dans son jardin, dans le plus simple appareil, il servait à ses hôtes des sauterelles grillées et des vers de farine marinés dans les plus grands crus de bordeaux ou, déguisé en mendiant, il se postait à la sortie de la gare du Nord à Bruxelles pour haranguer les voyageurs. Mais à vrai dire, son grand rêve était d’égaler le record de Simenon, qui se targuait d’avoir couché avec pas moins de dix mille femmes.
Ce soir-là, ses folles escapades lui paraissaient dérisoires. Il leva la tête. La plate-forme de la tribune s’élevait à trois mètres au-dessus du sol. Reposant sur deux colonnes de marbre, elle courait sur toute la largeur de la pièce et sur deux mètres de profondeur. Fermée à l’avant par une impressionnante balustrade ornée de quatorze pilastres torsadés, elle ressemblait à un jubé, sans l’orgue, bien sûr. Qui aurait jamais pu imaginer que quelqu’un serait un jour assez machiavélique pour transformer cette excentricité architecturale en instrument de mort ? Certainement pas le maître des lieux qui se trouvait pourtant debout, pieds joints sur un tabouret chancelant, avec, autour du cou, une corde dont l’extrémité avait été accrochée au sommet de la dite balustrade. Sa mobilité était pour le moins restreinte. Au moindre faux mouvement, il perdait l’équilibre et mourrait d’une mort sans gloire, les bras prisonniers d’une camisole de force et la bouche bâillonnée au ruban adhésif de déménageur. Pour couronner le tout, la télévision gueulait sa soupe, de sorte qu’il lui était impossible d’attirer l’attention des voisins.
Les yeux fermés, Marcus Heydens écoutait stoïquement deux actrices vanter les mérites d’une poudre à lessiver dans le tunnel de pub précédant le 20 heures.
[…]
Les jambes de Marcus Heydens tremblaient. Il avait toujours rêvé d’une mort flamboyante, dans un feu d’artifice de souvenirs chatoyants. Crever pendant la pub ! C’est d’un vulgaire ! Quel déshonneur pour un esthète comme moi !
Mon avis
J’adore les séries de manière générale, que ce soit pour des romans policiers ou non. J’aime retrouver les personnages d’une histoire à l’autre, les voir vivre et évoluer. Là j’ai été comblé avec cette sixième enquête publiée en France de Pieter Van In (vingt-cinq tomes en réalité en langue flamande). En effet, c’était le premier livre de Pieter Aspe que je lisais et j’ai eu dès le début, l’impression de faire partie du livre, de connaître bien les personnages et pas l’impression de débarquer au milieu d’une série. Cela vient du fait que l’auteur est doué pour croquer de manière visible ses personnages en un paragraphe, le plus souvent avec une certaine ironie et un certain sarcasme. Finalement, on connaît le personnage mais aussi l’avis de l’auteur sur celui-ci (avis que l’on a tendance à adopter parce qu’on se laisse très vite porter par l’écriture).
Dans les personnages, il y a Van In lui-même (soupe au lait, grand buveur de Duvel devant l’éternel, mais qui arrive tout de même à résoudre des enquêtes avec une perspicacité à devenir alcoolique vous-même), Versavel (le brigadier homosexuel pris entre son amitié pour son chef et son compagnon, à la fois cultivé et ironique : c’est lui que j’ai préféré), Hannelore la compagne de Van In (désabusé par le père de ses enfants qui ne la satisfait plus, elle essaye d’aller voir ailleurs mais finalement, elle se rend compte que ce n’est pas si mal ce qu’elle a à la maison). Ce sont les personnages récurrents importants (on pourrait citer toute la hiérarchie de Van In et de Hannelore qui sont heut en couleur).
Ces personnages sympathiques sont ancrés dans Bruges. Ils nous font voir le côté sombre (ce qui est le principe d’un roman policier) de cette cité touristique. C’est plutôt intéressant même si franchement j’aurais aimé un plan avec les logements des suspects …
Maintenant, passons à l’intrigue. Pieter Aspe emploie les mêmes techniques pour les personnages propre à ce volume. Par contre, ce que l’on pourrait reprocher à l’intrigue c’est d’avoir un package très compliqué (il y a quand même intervention des francs-maçons) pour une histoire toute simple. Ce n’est pas un défaut avec l’écriture et les personnages de Pieter Aspe car il n’y a pas de temps morts qui font que l’on peut se poser la question de où est-on dans le livre ? Finalement, on se laisse prendre à un monde très déjanté.
Pour ce qui est de la comparaison avec Simenon (dont j’ai lu quelques tomes il y a quelques années), je ne vois pas trop à part qu’il est belge. Je trouvais Simenon plus fort en intrigue mais moins capable de faire vivre ses personnages et ses lieux. Pieter Aspe a un style plus vivant, peut être plus de notre époque.
Si vous voulez tester par le premier tome, il est sorti en poche. C’est Le carré de la vengeance. Le deuxième vient de sortir au mois de mai et c’est Chaos sur Bruges. Je les ai déjà commandé à la librairie 🙂
Je remercie Plume et Aude (et Laura) des éditions Albin Michel qui m’ont permis de découvrir cette série !
Livre lu dans le cadre du challenge Littérature Belge chez Reka.
Un autre avis
Celui de Marie.
Références
De sang royal de Pieter ASPE – traduit du néerlandais (Belgique) par Emmanuèle Sandron (Albin Michel, 2010)
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