Présentation de l’éditeur
Thomas de Quincey (1785-1859), que Baudelaire a contribué à rendre célèbre en France, est l’auteur d’une oeuvre abondante, dont on retient habituellement Les Confessions d’un opiomane anglais et De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts. Les derniers jours d’Emmanuel Kant, un de ses textes les plus aboutis, sont incontestablement aux côtés de ces chefs-d’oeuvre.
Ce n’est pas un hasard si Marcel Schwob, lui-même auteur de Vies imaginaires, a traduit ce récit. Car si De Quincey s’est appuyé sur des mémoires de contemporrains de Kant pour retracer la vie et surtout la fin du philosophe, c’est une véritable oeuvre de fiction qu’il bâtit, dont Kant est le personnage à la fois sublime et ridicule, saisi dans ce qu’il a de plus intime. On ne trouvera dans ce livre aucun développement sur sa philosophie mais une succession d’anecdotes révélatrices. De ce mélange d’ironie et de tendresse finit par se dégager une profonde mélancolie, celle du temps qui passe et détruit ineroxablement les plus grands esprits.
Mon avis
Vous vous rappelez Kant, cet homme dont la philosophie plus que compliquée (je rappelle que j’étais en terminale S) hantait vos manuels de terminale. Pour vous, Kant c’est peut être aussi l’homme à la ponctualité maniaque de Koenigsberg. En gos, Kant dans l’imaginaire commun n’est pas un homme comme les autres. Et bien figurez-vous que si !
Kant, dans la vie, quand il reçoit ses relations, est adorable : il fait la conversation (en plus avec des propos intelligents), se soucie de chacun … Mais Kant vieillit un peu comme tout le monde. Alors, il n’est plus génie. Il devient embrouillé, victime de ses serviteurs, se brûle avec la bougie qui lui sert à lire. Mais il n’en reste pas moins un vieillard adorable. Tous ses amis vont continuer à se soucier de lui.
De Quincey nous donne les annecdotes de la « décrépitude » de Kant. Le livre est constitué en deux parties : les annecdotes montrant tout le charme d’un grand esprit et les annecdotes montrant la chute du génie. De Quincey nous fait aimer la personne de Kant, on se prend pratiquement de tendresse pour lui.
C’est le troisième livre de de Quincey que je lis et c’est encore un style différent. Dans De l’assassinat …, il y avait l’humour anglais. Dans Klosterheim, il y avait l’art de narrer une aventure et ici c’est l’art de s’attaquer à un personnage célèbre que l’on admire avec un angle très novateur. Schwob précise dans sa préface qu’il a fait de même avec Coleridge et Wordsworth. Pour le dernier, « en trois pages d’extase il montre le grand homme coupant un beau livre – qui ne lui appartient pas – avec un couteau souillé de beurre. »
En conclusion, je continue ma découverte de de Quincey !
Je remercie au passage Michel Sender et Dominique d’avoir attiré mon attention sur ce livre.
La première page
J’admets qu’on m’accordera d’avance que toutesles personnes de quelque éducation prendront un certain intérêt à l’histoire personnelle d’Emmanuel Kant, si peu que leurs goûts ou les occasions aient pu les mettre en rapport avec l’histoire des opinions philosophiques de Kant. Un grand homme, même sur un sentier peu populaire, doit toujours être l’objet d’une libérale curiosité. Supposer qu’un lecteur soit parfaitement indifférent à Kant, c’est supposer qu’il soit parfaitement inintellectuel ; en conséquence, même si en réalité il se trouvait ne point considérer Kant avec intérêt, il faudrait encore feindre le contraire. Ce principe me permet de ne point faire d’excuses à aucun lecteur, philosophe ou non, Goth ou Vandale, Hun ou Sarrasin, pour lui imposer une courte esquisse de la vie de Kant et de ses habitudes familières, tirée des rapports authentiques de ses amis et disciples. Il est vrai que, sans aucun manque de générosité de la part du public, les oeuvres de Kant ne sont pas, dans ce pays, considérées avec le même intérêt qui s’est amassé autour de son nom. Et ceci peut être attribué à trois causes : premièrement au langage dans lequel ces oeuvres sont écrites ; secondement à l’obscurité supposée de la philosophie qu’elles contiennent, qu’elle soit inaliénable ou due au mode particulier d’exposition de Kant ; troisièmement à l’impopularité de tout philosophie spéculative quelle qu’elle soit, et en quelque manière qu’elle soit traitée, dans un pays la structure et la tendance de la société impriment à toute l’activité de la nation une direction presque exclusivement pratique. Mais quelles qu’aient été les fortunes immédiates de ses livres, pas un homme de curiosité éclairée ne regardera l’auteur lui-même sans une nuance d’intérêt profond.
Références
Les derniers jours d’Emmanuel Kant de Thomas de QUINCEY – traduit de l’anglais par Marcel Schwob (Allia, 2004)
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