À la suite de ma lecture du livre d’Andrés Trapiello Les amis du crime parfait, j’ai pris ce livre, qui y était abondamment commenté, à la librairie (toute petite mais même pas besoin de le commander : la libraire l’avait en rayon. N’est-elle pas parfaite ?) Alors me direz vous de quoi ça parle.
Le livre est divisé en trois parties : Conférence, Mémoire supplémentaire sur l’assassinat considéré comme un des Beaux-Arts, Post-Scriptum. Les deux premières parties ont été écrites respectivement en 1827 et en 1839 parce que de Quincey avait besoin d’argent pour payer ses créanciers (et son dealer si j’ai bien compris l’introduction de Pierre Leyris). Ces deux premières parties correspondent au titre exactement : un homme vante les mérites de l’assassinat comme étant un art et non un truc sordide. Bien sûr c’est à prendre au second degré … Dans la Conférence, de Quincey énumère tous les grands assassinats de l’Histoire et surtout ceux qu’il juge vraiment très forts. C’est un partie difficile à suivre même si il y a plein d’humour. En effet, il y a beaucoup de notes de bas de pages pour expliquer les meurtres car de Quincey est un Anglais du 19ième siècle qui avait une culture nettement plus impressionnante qu’une fille française du 21ième sicècle. Cela rend donc la lecture difficile à suivre. Mais il y a l’humour diabolique ! Exemple :
Fi de ces marchands de poison : ne pouvaient-ils s’en tenir au vieux procédé honnête du coupage de gorge, sans introduire ces abominables innovations d’Italie ? […] Mais si nous écartons tout cela, il reste mainte excellente oeuvre d’art de pure style, dont nul n’aurait lieu de rougir, comme tout connaisseur sincère le reconnaîtra. Je dis sincère, notez-le bien ; car il faut faire de grandes concessions en de pareils cas ; aucun artiste ne peut jamais être sûr d’accomplir dans toute sa beauté ce qu’il a conçu. De malencontreux empêchements surgissent ; les gens n’acceptent pas qu’on leur coupe tranquillement la gorge ; ils s’enfuient ; ils se débattent, ils mordent ; et alors que le portraitiste a souvent à se plaindre d’un excès de torpeur chez son sujet, l’artiste qui nous concerne est généralement embarrassé par un excès d’animation. D’autre part, quelque désagréable qu’elle soit pour l’artiste, cette propension qu’a l’assassinat à exciter et à irriter le sujet est certainement un de ses attraits aux yeux du monde en général, et l’on ne doit pas négliger, car il favorise le développement des dons latents. Jérémie Taylor remarque avec admiration les bonds extraordinaires que l’on peut faire sous l’influence de la peur. (p. 62-63)
La deuxième partie marque à mon avis le besoin d’argent. Elle n’apporte rien par rapport à la première partie même si elle entend répondre aux critiques. De Quincey décrit un club qui s’est fondé sur cette id »e d’assassinat comme Beaux-Arts. L’humour est moins second degré et donc à mon goût moins bon. Ce qui est bien c’est que cette partie ne fait que trente pages. Il est à noter que d’après une note de traducteur de tels clubs ont existé dans l’Angleterre de de Quincey.
La troisième partie est absolument excellente. De Quincey l’a rajouté en 1854 en pensant qu’il n’avait pas assez détaillé le meurtre qu’il considéré dans la COnférence comme le must : les meurtres perpétrés des familles Mar et Williamson par Williams (dont P.D. James a parlé dans Les meurtres dans la tamise). On reconnaît là en de Quincey le chroniqueur de faits divers et de procès. Vous avez le droit à tous les détails ; vous y êtes. Je pense qu’aujourd’hui aucun auteur ne pourrait se permettre cela parce que cela serait considéré comme trop glauque et surtout les auteurs d’aujourd’hui nous demanderait de nous identifier soit à la victime soit au meurtrier mais de Quincey sait décrire tout en nous laissant à distance. C’est comme si on lisait un article du journal dans notre fauteuil. On plaint mais on se dit « heureusement, ce n’était pas moi ». On retrouve aussi quelques touches du second degré de de Quincey.
En conclusion, c’est une lecture en dent de scie parce qu’à mon avis le style est excellent mais les références ont un peu vieilli. Il m’en reste l’impression que de Quincey est un écrivain original et qui sait jongler entre plusieurs types de récits. Si vous vous voulez en savoir plus, allez voir le blog d’Alcapone qui en a lu plusieurs déjà.
Références
De l’assassinat considéré comme un des Beaux-Arts de Thomas de QUINCEY – traduit de l’anglais et préfacé par Pierre Leyris (Gallimard – L’imaginaire, 1995)
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