J’ai entendu parlé de ce livre à l’émission Jeux d’épreuves de France culture. Je ne me rappelle plus comment ils ont fait pour en parler mais personnellement ça fait une semaine que je me pose des questions existentielles sur le sujet.
Començons tout d’abord par le rapport prix – quantité : 3 euros pour 80 pages (et petites pages parce que c’est dans la petite collection d’Allia : ils sont donc encore plus petit que d’habitude). Le rapport qalité est lui excellent. C’est un petit ouvrage mais qui je pense entraîne beaucoup de réflexion sur notre société actuelle.
Ce texte a été publié pour la première fois dans The New Yorker les 11 et 18 février 2008 ; David Grann n’adopte pas un style littéraire plutôt journalistique. Il relate un fait divers qui s’est produit en Pologne fin 2000 :
Dans un coin reculé au sud-ouest de la Pologne, loin de toute agglomération, le fleuve de l’Oder fait un brusque méandre pour former une petite crique. Les berges, voilées par les pins et les chênes qui les dominent, sont recouverts d’herbes folles. Seuls des pêcheurs arpentent régulièrement les lieux : la baie regorge de perches, de brochets et de carassins. Par une froide journée de décembre 2000, trois amis lançaient leurs lignes, quand l’un d’eux remarqua quelque chose qui flottait près de la rive. Il pensa d’abord que c’était une bûche mais en s’approchant il crut voir des cheveux. Le pêcheur héla l’un de ses amis, qi poussa l’objet du bout de sa canne. C’était un cadavre.
Il s’agit d’un homme de trente cinq ans dont le nom est Dariusz Janiszewski. L’auteur relate ensuite l’enquête de l’inspecteur de police Jacek Wroblewski. Celle-ci décolera vraiment trois ans après les faits quand après relecture du dossier, l’inspecteur aura un éclair de génie. Il trouvera un indice menant à un suspect Krystian Bala. Là où ça se complique c’est que ce Bala a publié récemment un livre intitulé Amok (traduit ni en anglais ni en français) très violent où il mettait en scène un meurtre :
Wroblewski s’en procura un exemplaire ; l’illustration sur la couverture représentait un bouc dans un style surréaliste – un symbole ancien du diable. À l’instar des romans de Michel Houellebecq, le livre est sadique, pornographique et morbide. Le personnage principal, par ailleurs le narrateur du récit, est un intellectuel polonais qui s’ennuie et qui, quand il ne s’épanche pas en divagations philosophiques, boit et couche avec des femmes.
Wroblewski, qui lisait surtout des livres d’histoire, fut choqué par le contenu du roman, qui n’était pas seulement violent mais violemment anti-clerical. Il prit note du fait que le narrateur assassine l’une e ses maîtresses sans motif (« Qu’est-ce qui m’a pris ? Putain qu’est-ce que j’ai fait ? ») et dissimule si bien son crime qu’il n’est jamais découvert.
L’enquêteur a donc l’impression que Krystian c’est en fait incarné en Chris, le narrateur du récit et est devenu le personnage pour lequel il s’était inspiré de lui-même (je peux vous dire que j’ai eu du mal à la formuler cette phrase). Pendant une autre partie du récit, l’auteur s’attache à nous décrire l’évolution de la pensée de Bala et notamment ses opinions philosophiques qui pourraient être à l’origine de ce meurtre :
Une autre théorie était que le meurtre marquait l’apogée de la philosophie détraquée de Bala – qu’il était la version postmoderne de Nathan Leopold et Richard Loeb, les deux brillants étudiants de Chicago qui, dans les années 1920, étaient tellement épris des idées de Nietzche qu’ils avaient tué un garçon de quatorze ans pour voir s’ils pouvaient réaliser le crime parfait et devenir des surhommes. Pendant leur procès, lors duquel ils furent tous les deux condamnés à perpétuité, Clarene Darrow, le légendaire avocat qui les défendait, dit de Leopold : « Voilà un garçon de seize ou dix-sept ans qui devient obsédé par ses doctrines. Pour lui, ce n’était pas simplement un petit bout de philosophie ; c’était sa vie. » Darrow, dans l’espoir de faire échapper les garçons à la peine de mort, conclut : « Est-ce que quelqu’un mérite le blâme parce qu’il a pris la philosophie de Nietzche au pied de la lettre, parce qu’il en a fait un modèle de vie ? […] Comment ne serait-ce pas foncièrement injuste de pendre un garçon de dix-neuf ans pour la philosophie qui lui a été enseignée à l’université ? »
Au début, je voulais mettre le billet sur ce livre juste après celui de L’abbaye de Northanger parce que je trouve que les deux livres soulèvent le même type de question : jusqu’où peut-on aller pour l’art ? comment l’art s’entremêle avec la « vie réelle » (c’est très mal choisi comme expression, mais bon …) ? Peut-on confondre les deux ? Mais après il y a eu la lecture commune de Mansfield Park …
En conclusion : en 80 pages, l’auteur réussit un véritable tour de force. Il finit par contre par une touche bien sinistre …
Références
Un crime parfait – un polar postmoderne de David GRANN – traduit de l’anglais (américain) par Violaine Huisman (Allia, 2009)
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