Ce qui m'a fait acheté ce livre c'est la magnifique couverture choisie par les éditions José Corti : un tableau de John Constable, Hampstead Heath, looking towards Harrow. Le tableau s'étend sur la première de couverture, la tranche et la quatrième de couverture : c'est très jolie dans ma bibliothèque. Ça change des tranches blanches ou noires.
En plus, d'être beau de l'extérieur, le livre à l'intérieur est magnifique. L'histoire met en avant l'ironie de la vie (expression que j'ai honteusement volé à Diane de Margerie dans son livre sur Edith Wharton) mais mérite d'être lu rien que pour les descriptions de la nature et plus particulièrement de la lande. Je m'explique.
Quatre personnages principaux, des personnages secondaires et des figurants.
Il y a d'abord les Yeobright. Clym Yeobright est joaillier à Paris. Cette année, il a décidé de revenir dans la lande d'Egdon pour les fêtes de Noël. Tout le monde l'attend avec impatience. En effet, il a été absent pendant beaucoup de temps. Il revient surtout voir sa mère et sa cousine : Thomasine. Ces deux-là sont fâchées. En effet, Thomasine insiste pour épouser Damon Wildeve. Sa tante s'est opposée de manière vigoureuse à ce mariage (pour elle, Wildeve est un séducteur qui laissera tomber sa nièce) ; elle est allée jusqu'à vouloir interdir la publication des bans en le disant tout fort devant tout le monde à l'église. Sur l'insistance de Thomasine, sa tante a consenti au mariage. Celle-ci part se marier dans une autre ville mais le mariage ne se fait pas pour des raisons administratives. C'est une des premières choses que l'on apprend dans le livre. Plutôt que de complications administratives, on peut parler d'actes manqués de Wildeve. Celui est très attachée à une autre jeune fille qu'il a longtemps courtisé : Eustacia Vye. Toute l'histoire du roman c'est sur les amours entre ces quatre jeunes gens. Thomas Hardy, par le sort qu'il réserve à ces personnages, montre bien l'ironie de la vie (et oui, je la vole encore). Ils sont écrasés par leur destinée. Il ne leur arrive que très rarement des choses positives, sauf à a fin. Il est précisé à la fin de l'avant dernier chapitre que c'est dû à des exigences de publications. L'auteur ne semble pas apprécié son happy end. Quand les personnages se croient au fond du trou, il y a toujurs des trous plus profond où ils tombent immanquablement. J'ai lu dans plusieurs articles sur internet que c'était le thème de prédilection de Thomas Hardy : le lourd poids du destin sur la vie humaine. Un livre triste mais fort prenant et attachant.
Attachant, entre autre, pour les personnages secondaires : le capitaine Vye (le grand-père d'Eustacia), maîtresse Yeobright dont nous avons déjà parlé mais surtout l'homme au rouge : Diggory Venn. C'est un homme qui parcourt la lande pour vendre le rouge qui sert à marquer les moutons des paysans. L'homme est tout de rouge vétu mais en plus même sa peau est rouge (il peut redevenir tout blanc en six mois). On apprend au fur et à mesure du roman que Diggory est rentré dans ce commerce suite au refus de Thomasine de l'épouser. Il erre sur la lande pour être près d'elle et lui servir d'ange gardien.
Il y a aussi les figurants : toute la population humaine de la lande qui ont su préserver des traditions ancestrales et vivre, de manière humble mais heureuse, dans un monde difficile auquel ils ont pu s'acclimater. Thomas Hardy décrit de très belle manière ces personnages car ils rentrent pour lui comme partie intégrante de la lande. C'est la description de cette nature qui fait tout le charme du livre. Pour exemple, les deux premiers paragraphes du livre :
"Un samedi après-midi, en novembre, l'heure du crépuscule approchait et la vaste étendue libre et sauvage, connue sous le nom de lande d'Egdon, allait s'assombrissant de minute en minute. Une mince couche de nuages, d'un blanc indécis, cachait le ciel, se déployait comme une tente qui aurait eu la lande entière pour le sol.
La ligne de rencontre de cieux ainsi voilés par cet écran pâle et d'une terre que couvrait la plus foncée des végétations était très nettement marquée à l'horizon. D'où un effet de contraste tel que la nuit semblait avoir commencé de régner sur la lande avant que son heure astronomique ne fût venue : l'obscurité s'installait sous un ciel où le jour continuait son existence propre. Levant la tête, un coupeur d'ajoncs eût été tenté de poursuivre son travail ; regardant à ses pieds, il eût décidé d'achever son fagot et de regagner son logis. Ainsi, les bords lointains et accolés de la terre et du ciel paraissaient diviser le temps aussi bien que la matière. Par son teint brun, le visage de la lande ajoutait, en effet, aux soirs une demi-heure ; il possédait également le pouvoir de retarder l'aube, d'attrister midi, d'exprimer à l'avancee la menace de tempêtes à peine en formation et d'augmenter l'opacité d'un minuit sans lune jusqu'à provoquer le tremblement et l'épouvante." (p.9)
Plusieurs fois dans le livre, Thomas Hardy fait des descriptions d'oiseaux dignes d'un ornithologue. La nature c'est visiblement quelque chose qu'il affactionne tout particulièrement (je ne sais pas ce qu'il en est pour ces autres romans ?) L'auteur a même dessiné lui-même la carte de la lande d'Egdon
Sur ce site, on trouve aussi une carte du Wessex, région imaginaire (mais basé sur des lieux rééls) inventé par Thomas Hardy et où il situe tous ces romans.
En conclusion : ce roman est une belle entrée en matière pour donner envie de lire d'autres livres de Thomas Hardy. J'insiste : les descriptions de la lande sont vraiment très suggestives : on s'y croirait ! À lire rien que pour ça…
Références
Le retour au pays natal de Thomas Hardy – traduit de l'anglais par Marie Canavaggia – postface de Claire Tomalin (José Corti, 2007)
Première parution : 1878.
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