Laissez parler les pierres de David Machado

LaissezParlerLesPierresDavidMachadoPremière lecture de la rentrée littéraire. J’ai eu la main heureuse pour ce premier choix, découvert sur le site Feedbooks dans leur liste thématique L’histoire dans les romans de la rentrée. Clairement, je ne pense pas que l’Histoire soit vraiment le cœur du roman mais plutôt un « prétexte » pour parler filiation, transmission entre les générations. Pourtant, le fait que le livre se passe en partie sous la dictature portugaise rend le livre particulièrement intéressant. Pour donner une idée des mots clés du livre, ceux qui sont indiqués sur l’ebook sont : dictature, mensonges, mémoire, Portugal, roman, transmission, vérité.

Pour aller plus loin, il faut en dire plus sur l’histoire en elle-même. On est à Lisbonne de nos jours. Le narrateur est un adolescent, un élément perturbateur puisqu’il se bagarre souvent, fait des mauvaises blagues … jusqu’à se faire renvoyer de l’école. Cela ne le fait pas surtout quand on sait que le père est prof dans le lycée.

Comme l’année scolaire est plus proche de la fin que du début, le narrateur va devoir rester chez lui et étudier les devoirs que son père lui laissera. Chez lui, il y a son grand-père qui « vit » dans le bureau de son père. Il passe ses journées à regarder des telenovellas. Il est devenu expert dans la manipulation de la télécommande et de ses deux magnétoscopes. C’est d’autant plus étonnant qu’il est complètement sourd depuis sa jeunesse. Cela fait de la peine à son petit-fils car il n’était pas comme cela avant, c’est-à-dire un an auparavant. Il faut voir que le grand-père est venu s’installer chez son père après que son fils ait été le chercher, suite à un coup de fil des voisins lui disant que la maison de son père s’effondrait. Il est donc arrivé pendant l’enfance du narrateur et a été le compagnon de son petit-fils puisqu’ils étaient souvent seuls tous les deux (le père et la mère de l’enfant travaillant). Ils n’étaient pas tout le temps deux puisque Alice, amie puis petite amie du narrateur, venait très souvent les rejoindre pour passer la fin de l’après-midi chez eux (il faut que son père n’était plus là et que sa mère avait d’autres choses à faire).

Le grand-père est un bavard et raconte sa vie aux deux enfants sous forme d’histoires. Le jour de son mariage (juste avant en fait), il a été arrêté par la police puis enfermer (ce qui pouvait être très méchant dans le Portugal de Salazar, c’est d’ailleurs comme cela qu’il est devenu sourd) sous le prétexte qu’il aidait des espagnols immigrés (qui étaient soupçonnés de fomenter des complots contre le régime portugais). Il était innocent (son frère un peu moins) et encore plus du fait que les espagnols n’étaient en rien politisés. Dès lors toute sa vie n’a été que malchance et trahison, quitte à transformer le petit gars de la campagne plus fasciné par la chasse que par autre chose en une espèce de tête pensant de la Révolution communiste au Portugal (ce qu’il ne sera jamais). Pourtant, tout au long de sa vie, il n’aura qu’une seule idée en tête : s’expliquer auprès de Graça, sa fiancée (c’est ce qui lui vaudra d’ailleurs d’autres « mauvaises » aventures). Pour cela, il doit attendre la mort de l’homme qui lui a volé sa fiancée, Amadeu, tailleur de son état et qui avait justement taillé son costume de marié. Il pense en effet que ce dernier l’a dénoncé à plusieurs reprises. Pour l’instant le grand-père n’a pas pu revoir Graça mais le jour où le narrateur est renvoyé de l’école, il lit justement dans la rubrique nécrologique l’annonce de la mort de l’ennemi de son grand-père. Comme celui-ci ne peut plus bouger, le narrateur va raconter à Graça les péripéties de sa vie à sa place.

C’est donc sous cette forme qu’est construit le livre : une alternance entre la vie du narrateur pris par les exigences de son père, la dépression de son grand-père (en fait il se laisse mourir), l’anorexie d’Alice, l’absence de sa mère et les épisodes de la vie du grand-père, vie hautement mouvementée et épique donc dans le Portugal de Salazar.

J’ai particulièrement aimé le talent de conteur de David Machado. C’est un auteur de livre pour enfant apparemment et cela se voit car il sait parfaitement se mettre dans la tête de son narrateur adolescent ou enfant (dans le sens où en tant qu’adulte, j’arrive à pouvoir le comprendre). Il sait parfaitement rendre l’attachement du petit-fils à son grand-père, les idées qui peuvent traverser la tête du jeune garçon à propos de sa relation avec Alice, avec son père ou avec ses camarades. Quand le narrateur commence à raconter la vie de son grand-père, en utilisant une narration par épisode, je trouve que l’auteur a su instiller un certain degré de magie, de pétillement qui rend l’histoire extraordinaire, qui fait qu’on voit son grand-père comme un homme courageux mais surtout comme un héros de roman. C’est pour cela que je pense que David Machado a su rendre le degré d’enfance de son héros. Le petit-fils n’a pas pris le recul sur l’histoire que son grand-père lui a raconté. Le livre raconte aussi comment le petit-fils va grandir en s’appuyant sur cette histoire.

C’est un roman plein de péripéties dans l’histoire du grand-père comme dans celle du petit-fils, plein de malice, d’intelligence et de vie. C’est un très bon roman de la rentrée littéraire mais tout simplement un très bon roman d’apprentissage. Je vous le conseille !

Références

Laissez parler les pierres de David MACHADO – roman traduit du portugais par Vincent Gorse (Editions de l’Aube, 2014)

Par contre, si vous lisez le livre sur tablette avec l’application Mantano, vous ne pourrez pas utiliser le mode où il y a deux pages sur l’écran car elles se retrouvent dans le sens inverse. A gauche, il y a le deuxième page et à droite la première page. Si vous passez en mode une page sur l’écran, il n’y a pas de soucis. Par contre avec les autres applications (je n’ai testé que Aldiko), il n’y a pas de souci. Pareil avec une liseuse. Cela a donc l’air très spécifique à Mantano.


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