J’ai reçu juste avant l’eurovision la newsletter de Book Depository, donnant une liste de livres dont les auteurs étaient originaires des pays favoris de l’enseigne. Il y avait et Chypre et Malte. Ne connaissant aucun pays de ces deux pays, j’ai regardé et il s’est avéré qu’un des livres, d’un auteur maltais, Immanuel Mifsud, venait juste de sortir chez Gallimard (les autres auteurs maltais étaient Clare Azzopardi, auteur de théâtre, et Oliver Friggieri). Le hasard fait bien les choses tout de même. Un passage au Divan et hop, je commence à le lire !
Le livre est très court (90 pages). C’est un récit et non un roman : Immanuel Mifsud raconte son père mais surtout l’image de la paternité et de la masculinité (repris de la quatrième de couverture) qu’il lui a transmise.
Quelques années avant la mort de son père, l’auteur a trouvé un carnet marron où son père racontait de manière très méticuleuse les années où il a servi comme soldat maltais au côté des britanniques, pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’était alors promis de le publier d’une manière ou d’une autre.
Au décès de son père, il écrit ce livre où sont insérés des passages de ce fameux journal car le passé militaire de son père, ses médailles et sa baïonnette font partie intégrante de l’image qu’il s’est forgé de l’homme. Image d’un homme fort qui ne pleure pas, qui ne se plaint pas, une image d’Homme avec un très grand h, d’un patriarche. Voici un extrait de son carnet :
L’Homme devrait avoir trois Cœurs. Un Cœur de feu qui brûle d’amour pour Dieu un autre de Chair pour aimer ses proches et un Autre en Bronze pour contenir tous les désirs du Corps ; et la Famille devrait obéir à l’Autorité du Père – si l’Homme est une poule et la Femme un Coq, alors toute la Famille sera sens dessus dessous.
Ce père pouvait être extrêmement sévère vis à vis d’un fils moins inhibé vis à vis de ses émotions, d’un fils qui voulait vivre ses propres expériences. L’auteur parle de querelles fréquentes, de rebellions… Pourtant, cette image « idyllique » du père est cornée par d’autres moments, des moments où son fils se rappelle l’avoir vu pleuré, des moments où son handicap (il boite) l’a rendu plus fragile qu’il ne l’aurait voulu.
Ses souvenirs entraînent Immanuel Mifsud à réfléchir à ce que son père lui a transmis, et c’est cette image du père et de la masculinité qui lui vient à l’esprit. Lui aussi a un fils et il se demande si justement il n’est pas en train de reproduire le même schéma.
Ce récit n’est donc pas un hommage au père, comme on peut en lire régulièrement, ni un règlement de compte d’ailleurs, même si parfois on est un peu gêné par la violence du propos (sans concession), dans le sens où le livre est très personnel, voire trop personnel. Cette impression est amplifiée par l’écriture de l’auteur, souvent impérative et exclamative. Il ne s’adresse jamais à son lecteur mais bien à son père avec un tu répété très fréquemment et à lui-même par un je, répété lui aussi très fréquemment dans la seconde partie du récit. C’est un bon livre, mais si je voulais vraiment lui trouver un défaut, c’est celui-là : le récit ne permet pas de réfléchir soit même à la transmission de la féminité ou de la masculinité entre parents et enfants, justement parce qu’il est très personnel et particulier. La manière dont lui réfléchit à ce sujet est par contre très intéressante.
Un point très positif aussi pour ma première lecture maltaise : on apprend des petites choses sur l’histoire maltaise, sur des traditions du pays (tant de choses dont je suis complètement ignorante). La traductrice a fait un très bon travail tant au niveau de la traduction, que des notes de bas de page, pour éclairer le lecteur francophone.
Je lirai d’autres livres de cet auteur, peut être en anglais (s’il n’y a pas de nouvelles traductions), car j’ai apprécié l’écriture ainsi que sa manière de raconter son histoire.
Références
Je t’ai vu pleurer de Immanuel MIFSUD – récit traduit du maltais par Nadia Mifsud (Gallimard, 2016)
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