Quatrième de couverture
« Je suis un homme ridicule. Maintenant, ils disent que je suis fou. Ce serait une promotion, s’ils ne me trouvaient pas toujours aussi ridicule. Mais maintenant je ne me fâche plus, maintenant je les aime tous, et même quand ils se moquent de moi… »
Lassé du monde, détourné du suicide par une rencontre fortuite, le héros de ce monologue imprécatoire plonge dans un profond sommeil. Son rêve le conduit alors vers un univers utopique, un double de la terre mais sans le péché originel, un monde où les hommes vivent bons, libres et heureux. Et c’est l’occasion pour Dostoïevski de laisser libre cours à sa veine mystique, investissant son héros, de retour dans le quotidien des hommes après avoir touché de près l’idée du bonheur, d’une mission évangélique.
Fédor Dostoïevski (1821-1881) écrit Le Rêve d’un homme ridicule en 1877. Il s’agit d’un récit inclus dans Le Journal d’un écrivain, qui paraît plus ou moins régulièrement de 1873 à 1881 et où Dostoïevski prend position en nationaliste et en chrétien sur les grands problèmes de son temps.
Deux extraits
[…] à la fin, toute ma science universitaire, pour moi, c’était comme si elle n’était là que pour une chose, pour me prouver et m’expliquer, au fur et à mesure que je l’approfondissais, que j’étais ridicule. [pp. 11-12]
Le deuxième extrait vient des hommes utopiques, une fois qu’ils ont découvert le monde.
« Tant pis si nous sommes faux, méchants, injustes, nous le savons, et nous pleurons, nous nous martyrisons et nous punissons plus, peut-être, même, que ce Juge miséricordieux qui nous jugera et dont nous ignorons le nom. Mais nous avons la science, et c’est par là que nous retrouverons la vérité, mais, cette fois, nous la recevrons en toute conscience. La connaissance est supérieure aux sentiments,la connaissance de lla vie – supérieure à la vie. La science nous donnera la sagesse, la sagesse nous révélera les lois, et la connaissance des lois de la sagesse est supérieure à la sagesse. » [p. 53]
Mon avis
Je me rappelle bien quand j’ai acheté ce livre. C’était il y a deux ans au salon du livre et il y avait un bandeau « parfait pour découvrir Dostoïevski ».
J’ai enfin compris la différence si fondamentale pour les connaisseurs entre Tolstoï et Dostoïevski. Il est vrai que Tolstoï écrit des récits très calmes et très construits et ce même en apparence. Par exemple, cette année, j’ai écouté le livre lu de Maître et Serviteur (la version de Gallimard / Ecoutez Lire). L’auteur avait un petit accent et lisait d’une manière très calme, très posée, comme si finalement l’histoire allait se dérouler d’elle même, que le narrateur ne faisait que raconter et les personnages faisaient l’histoire seule. Même dans les moments tragiques, il y avait une sorte de dignité. Dans ce texte de Dostoïevski c’est le narrateur, l’homme ridicule, qui raconte. Il pense rapidement un peu aussi rapidement que moi quand je parle et c’est ce que va écrire Dostoïevski. Il y a un côté chien fou.
Pour l’histoire, j’ai apprécié la réflexion qui est amenée sur la différence entre les croyances (dans le sens où on croit sans forcément comprendre) et la science qui cherche à mettre dans notre conscience nos croyances (c’est le sens des extraits que j’ai choisi). Finalement, la supériorité est-elle dans le fait que l’on comprend ce que l’on croit (et finalement que l’on est libre de choisir ce que l’on croit) ou dans le fait que l’on croit. Dostoïevski apporte clairement sa réponse (qui n’est pas forcément celle de tout le monde) en choisissant le parti des croyances car d’après lui, elles permettent de mieux vivre en harmonie. Je trouve que le texte a le mérite de poser clairement cette réflexion qui est encore actuelle aujourd’hui. De plus, la description du monde topique est vraiment utopique est vraiment fascinante (peut être parce qu’il n’existe pas), ainsi que celle de l’après « péché originel ».
Références
Le rêve d’un homme ridicule de Fédor DOSTOÏEVSKI – récit traduit du russe par André Markowicz (Actes Sud / Babel, 1993)
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