Présentation de l’éditeur
Publié en 1926, ce petit livre de Pilniak, fondé sur es faits réels, met en scène un célèbre commandant de l’armée Rouge mort dans les circonstances obscures.
Qualifié de « contre-révolutionnaire » et de « calomnieux à l’encontre du Comité Central et du Parti », ce récit, immédiatement censuré, est l’un des premiers textes littéraires à décrire de l’intérieur la machine infernale de la révolution qui broie peu à peu ses enfants.
Sa puissance presque hallucinatoire tient avant tout à ses qualités littéraires et à son étonnante modernité : avec la froideur et la précision d’une caméra, dans un style cinématographique et saccadé, une lune affolée observe les agissements étranges des hommes dans une ville-machine enveloppée de brouillard et lacérée par les phares d’automobiles fonçant à toute allure dans la nuit…
Mon avis
J’avais déjà essayé de lire Boris Pilniak, avec un livre paru aux éditions Paulsen, Le Pays d’Outre-Passe. J’avais beaucoup aimé mais je n’avais rien compris à l’ensemble. Du coup, le livre est revenu dans ma PAL pour une deuxième lecture (qu’il attend toujours d’ailleurs).
Ce livre-ci a aussi attendu un peu dans ma PAL (une année car je l’ai acheté l’année dernière au salon du livre) et est revenu avec moi la dernière fois que je suis allée à Paris.
On peut lire je crois de deux manières au moins ce livre, d’un point de vue historique, puisque les faits ressemblent étrangement à la mort de M.V. Frounzé, mort sur la table d’opération après une intervention bénigne (Pilniak s’en défend mais cela correspond aussi aux circonstances de publication). On cherche alors l’ombre de Staline, qui aurait donné des ordres pour la mort de Frounzé, dans le texte (et là-dessus la préface est éclairante).
J’avoue que quand le monsieur m’a parlé de Frounzé, je ne connaissais pas. Du coup, je ne pouvais pas lire le livre sous cette optique et je l’ai vraiment lu comme quelqu’un qui se fait broyé par l’Histoire.
Le célèbre commandant de l’armée Rouge souffre d’un ulcère, qu’il a soigné déjà deux fois. Maintenant, il va mieux mais la hiérarchie veut qu’il se fasse opérer. On le flatte en disant son importance dans la Révolution. Lui ne veut pas mais se sent obliger d’y aller. Il donne des consignes pour son enterrement à ses subalternes, parle de ses craintes à son ami, parle de sa femme. On a envie de lui dire « Prends la fuite, voyons ! »
Intervient un collège de médecin où tous individuellement sont d’accord qu’il ne faut pas l’opérer mais collectivement décide de l’opérer. Un médecin parle de ses doutes en expliquant que la décision est du au fait que les gens ont peur d’être les premiers à dire non.
Le fameux jour arrive. Bien sûr, le patient perd conscience sur la table d’opération mais on le fera mourir le jour d’après dans sa chambre (il y a apparemment une piqure qui a cet effet).
La dernière image du livre, c’est un homme, seul dans son cabinet de travail, a qui on apprend la mort du commandant et celui-ci est content.
J’insiste avec le mot image car je suis d’accord avec l’éditeur que l’écriture rappelle un film de cette époque, je dirais. Noir et blanc où peu de paroles sont échangés mais où tout est dans les gestes mesurés mais significatifs. On sent (je ressens rarement cela quand je lis un livre) que l’on ne peut pas agir, qu’il y a une marche où l’on ne peut être que spectateur (je pense que la lumière, notamment de la lune, est très importante dans le texte justement sur ce fat mais j’avoue ne pas mettre focaliser là-dessus et du coup beaucoup a pu m’échapper). L’écriture, finalement, est faite de séquences. C’est ce qui m’avait gêné dans le premier livre de Pilniak que j’avais lu mais ici, non.
Finalement, c’est un excellent texte pour découvrir Pilniak, je crois en tout cas. Il me reste à découvrir ce qui visiblement est son chef d’oeuvre, L’année nu paru aux éditions Autrement.
Références
Le conte de la lune non éteinte de Boris PILNIAK – traduit du russe par Sophie Benech (éditions interérences, 2008)
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