Cela fait deux semaines que je n’ai pas écrit. Cela tient à deux faits : j’ai repris le travail en présentiel et je n’ai pas lu grand-chose de passionnant. Je vais vous présenter dans ce billet le meilleur livre que j’ai lu pendant ces quinze jours. Je ne sais pas vraiment si j’ai aimé l’histoire, mais c’est un livre qui m’a rendu assez mal à l’aise.
Andrés Barba est un auteur espagnol, qui situe son roman en pleine jungle ; je me suis imaginé être dans une ville dans la forêt amazonienne, dans une ville entourée de forêts. Cela vous donne de suite la sensation de claustrophobie qui m’a prise en lisant ce roman. Une trentaine d’enfants, sans parents, vivent ensemble dans un monde parallèle au monde « normal » : on ne sait pas où ils habitent, on les voit juste quand ils font des descentes dans la ville. Les habitants de la ville commencent par regarder les enfants avec curiosité, les enfants ne s’approchant pas. Les habitants s’inquiètent quand les enfants agressent des adultes. Ils se révoltent quand les enfants tuent lors d’une attaque d’un supermarché et lancent une battue pour retrouver les enfants, quand trois enfants de la ville disparaissent.
On sait dès le départ que la trentaine d’orphelins va mourir. On attend juste de savoir comment. Le narrateur, fonctionnaire municipal aux affaires sociales, raconte donc cette histoire d’un point de vue à la fois d’acteur et d’observateur froid. Acteur, car il est chargé des affaires sociales de la ville, et donc des enfants abandonnés. Observateur, car il garde une certaine distance vis-à-vis de l’hystérie qui prend la ville. Son rôle d’observateur est facilité par le fait qu’il n’est pas originaire de la ville. Cela donne une narration très étrange : le narrateur ne semble pas s’intéresser aux habitants de la ville, à leurs vies, à leurs sentiments, leurs peurs (irrationnelles ou non). Même sa compagne et la fille de celle-ci lui semblent étrangères. C’est comme un enfermement dans un enfermement (la ville dans la jungle). Le narrateur se centre entièrement sur ses pensées. Cela donne de très belles pages sur le monde des adultes, contre le monde des enfants. Pour qualifier ce dernier, le narrateur hésite entre admiration sur ce monde que les enfants arrivent à créer et organiser seuls et angoisse sur ce même monde qui semble reprendre les défauts du monde des adultes. Il parle aussi des pensées adultes que l’on attribue aux enfants. Ce sont des réflexions que j’ai trouvées très intéressantes.
Deux choses m’ont dérangé dans ce livre. J’ai déjà parlé de la claustrophobie. Il y a aussi le fait qu’on ne ressent aucune empathie pour aucun des personnages : le narrateur, sa fille, sa compagne, les enfants, les habitants, même pour les parents qui perdent leur enfant. C’est très particulier, car tous les protagonistes de l’histoire sont seuls, mais le lecteur l’est aussi. On suit la lecture avec inquiétude, et la tension ne se relâche pas quand le livre se termine, car l’histoire, elle, ne se termine ni pour le narrateur ni pour le lecteur.
En conclusion, une expérience intéressante. J’ai rarement lu un livre dérangeant comme cela.
Références
Une république lumineuse de Andrés BARBA – traduit de l’espagnol par François Gaudry (Christian Bourgois, 2020)
Laisser un commentaire