Cecile's Blog

Pavane for a Dead Princess de Park Min-Gyu

Voilà un livre qui m’a rendu immensément triste, par son histoire, par son ambiance, par son style. Je préviens dès le départ que ce n’est pas une lecture si vous êtes un peu déprimé en ce moment. Je précise que c’est un roman sud-coréen, que j’ai lu dans sa traduction américaine car je n’avais pas trouvé la traduction en français paru aux éditions Decrescenzo en 2014 (en tout cas au moment où je cherchais à lire ce livre). Je fais rarement cela car je trouve que cela fait beaucoup d’intermédiaires entre l’auteur et moi mais j’avoue qu’après avoir écouté un avis sur YouTube, j’avais très envie de lire ce livre (bon, elle avait prévenu que c’était très triste mais surtout que c’était une très bonne lecture).

Le livre commence par une rencontre entre un jeune homme et une jeune femme au milieu des années quatre-vingt. On comprend rapidement qu’ils ont été très liés il y a longtemps mais qu’ils se sont perdus de vue. Il est venu en bus. La rencontre semble triste ; il n’arrive pas à renouer le contact comme avant. C’est son anniversaire : elle lui offre un disque Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel (d’où le titre). Ils ne se reverront plus mais le disque restera sa madeleine de Proust pour se rappeler la jeune fille. L’histoire est racontée par le jeune homme, qui devenu écrivain, remontre un an avant cette rencontre pour comprendre comment on en est arrivée là.

Un an avant la rencontre donc. Le narrateur et sa mère viennent d’être abandonnés par le père. Cela faisait des années que la mère entretenait les rêves d’acteur du père, sans rien exiger en retour. Quand cela commence à marcher, il les laisse tous les deux car c’est mieux pour les fans d’être célibataire. La mère part chez sa sœur, le fils, toujours en étude mais incertain sur son avenir, reste en ville. Il se cherche un emploi, qu’il trouvera par l’intermédiaire d’un ami : il sera gardien de parking dans un centre commercial. C’est un travail exigeant. Au milieu des années quatre-vingt, on est au début du boom économique. Les clients peu habitués sont de plus en plus nombreux à avoir une voiture, à pouvoir acheter de plus en plus de choses. Ils exigent souvent un service impeccable et n’acceptent pas d’être repris sur leur conduite par exemple.

Il fait équipe avec Yohan, jeune homme fantasque, imaginatif, ayant un avis tranché sur toutes choses, en particulier sur les humains et leurs comportements. Il est assez solitaire, ne se mêle pas trop aux autres membres de l’équipe (qui ne souhaitent pas non plus l’intégrer). Notre narrateur, plus timide, sympathise immédiatement avec lui. Ils se retrouvent tous les jours après le travail au troquet du coin pour deviser sur tout et rien.

Notre narrateur a aussi repéré une jeune fille, celle du rendez-vous, dont il aimerait bien faire la connaissance. Elle aussi est isolée par les autres membres de l’équipe pour un seul critère : elle est moche (ugly en anglais). Le narrateur essaie de l’approcher mais elle ne se laisse pas faire car elle a l’habitude qu’on se moque d’elle et s’est donc forgé une carapace pour se protéger. Il arrive cependant à lui parler lors d’une occasion particulière. Leur amitié commence enfin. Il la présente forcément à Yohan qui joue un rôle de facilitateur pour qu’une relation amoureuse puisse débuter.

Rapidement, les trois deviennent inséparables même si les amoureux s’isolent de plus en plus. Yohan reste cependant le moteur du groupe, toujours plein d’entrain et de fantaisie. Notre narrateur sait qu’il prend de nombreux médicaments mais ne se doute pas de la gravité de son état mental. Or, un jour, Yohan fait une tentative de suicide, qui le laisse handicapé : c’est le début de la fin du petit groupe. Le livre va continuer jusqu’à un dénouement bouleversant, qu’aucun lecteur ne peut deviner, et qui montre comment les protagonistes ont été marqués par leur jeunesse.

J’ai lu que l’auteur avait été accusé de plagiat : il aurait copié La ballade de l’impossible de Haruki Murakami. En lisant le résumé (je n’ai pas lu ce roman), on peut en effet se poser la question : un narrateur écrivain qui se remémore sa jeunesse, un groupe de deux garçons et une fille, une rencontre un an après le suicide de l’ami qui ne sera suivie par aucune autre rencontre. Je pense que c’est ignoré une très grande thématique du roman : la société coréenne des années quatre-vingt du boom économique, une thématique qui je pense n’est pas abordé par Haruki Murakami (pourquoi un auteur japonais parlerait de la société coréenne ?ême si cela reste possible). L’auteur montre à de nombreuses reprises la superficialité de cette société. L’exemple le plus frappant est que la jeune fille construit (et a construit) toute sa vie, sur le fait qu’elle sera moquée, isolée car elle est moche, alors qu’elle est sûrement plus intelligente et sensible que la plupart de ses contemporaines. Le pire est que même ses parents la préparent à se résigner.

Ce roman est l’histoire de trois jeunes paumés, idéalistes et rêveurs, dans une société matérialiste, ne jugeant que sur les possessions et l’apparence, une société qui les tuera (en tout cas leurs esprits). C’est certes un très bon roman, mais extrêmement triste par la société qu’il dépeint.

Références

Pavane For A Dead Princess de Park Min-Gyu – a novel translated by Amber Hyun Jung Kim (Library of Korean Literature #11 / Dalkey Archive Press, 2014)


Commentaires

4 réponses à “Pavane for a Dead Princess de Park Min-Gyu”

  1. il semble que ce soit effectivement un roman qui rend triste, parce que malheureusement on n’échappe pas pour le moment au matérialisme de la société – le titre est une référence à la musique de fauré, j’imagine = la pavane pour une infante défunte ? très beau morceau musical mais triste aussi

    1. Avatar de cecile
      cecile

      L’auteur ne parle que de Ravel, pas du tout de Fauré. Mais je suis d’accord avec toi : c’est un très beau morceau que j’ai écouté en rédigeant le billet.

  2. Oh la la, mais ça semble super ! J’avais adoré « La ballade de l’impossible » de Murakami.

    1. Avatar de cecile
      cecile

      Je n’ai toujours pas commencé « La ballade de l’impossible » de Murakami. En terme de roman japonais, je suis toujours dans le Dit du Genji. Il me reste 50 pages… On y croit.

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