Jonas Hassen Khemiri est un auteur suédois, dont j’avais lu, il y a quelques années le roman J’appelle mes frères, roman qui m’avait fortement impressionné. Khemiri est aussi auteur de théâtre. On peut découvrir une de ses pièces dans une des vidéos de la librairie Charybde ; je vous encourage à aller écouter, c’est ici. Dans ce roman, Tout ce dont je ne me souviens pas, l’auteur mêle ces deux savoir-faire pour créer un roman à construction remarquable.
Samuel est mort. Le lecteur, au début, ne sait ni pourquoi ni comment. Il va l’apprendre très progressivement, pour « comprendre » entièrement ce qui s’est passé à la fin du livre, même si rapidement on sait que sa mort peut être interprétée comme un accident ou un suicide. Samuel va être décrit par ses proches, ou au moins des connaissances : sa mère, sa grand-mère, son voisin, sa meilleure amie, son colocataire et meilleur ami (en prison au moment où il raconte), sa petite amie.
Le livre est présenté comme les entretiens qu’un écrivain a faits pour préparer un livre. Il a été touché par la mort du jeune homme, même s’il ne l’avait entraperçu que deux fois, sans vraiment lui parler. Samuel, c’était cela, une personne discrète que l’on remarquait malgré tout. On ne comprend le projet de l’écrivain que de manière détournée. Il n’intervient jamais, on n’a jamais accès aux questions qu’il pose. À chaque section, deux personnes parlent de Samuel et des événements précédents sa mort, pas nécessairement de la même chose, mais éclaire la parole de l’autre. Le lecteur arrive ainsi à se faire très progressivement une idée du personnage de Samuel. L’auteur rend son personnage de fiction vivant, dans toute son épaisseur.
La construction est complexe et remarquable : l’auteur ne perd jamais son lecteur grâce à son expérience en tant qu’auteur de théâtre, que ce soit au niveau de la narration, malgré les flash-backs, ou au niveau des personnages. Chaque personne parle très différemment, toujours de manière crédible. Sans avoir d’indications sur le physique ou les sentiments, le lecteur ne se fait pas seulement une idée de Samuel mais aussi une idée du personnage qui parle.
Si vous voulez quand même avoir une idée de l’histoire, je vais essayer de faire un effort (même si je peux vous dire que si cet auteur racontait n’importe quoi, ce serait quand même intéressant). Samuel est mort donc. Il travaillait au bureau de l’immigration, après des études en sciences politiques. C’était un personnage très particulier, obsédé par sa mémoire qu’il jugeait défaillante, solitaire avec de nombreuses relations, toujours à l’écoute des autres et de nouvelles expériences. Un personnage entier, généreux mais difficile à saisir. Alors qu’il habite avec son meilleur ami, il sort avec une avocate qu’il a rencontrée à son travail. Elle et Samuel ne fréquentent clairement pas le même milieu. Samuel change. Il devient difficile à comprendre pour ses amis. C’est cela que raconte ce roman.
Khemiri est définitivement un auteur à découvrir !
Références
Tout ce dont je ne me souviens pas de Jonas HASSEN KHEMIRI – traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy (Actes Sud, 2017)
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