Le Gengzhitu de l’empereur Kangxi et Jiao Bingzhen

Désolée pour cette absence un peu longue. J’étais trop déprimée au début du mois pour écrire quoi que ce soit (bizarrement pas pour lire par contre) et après il y a eu la canicule. Il faisait alors trop chaud pour que je me mette devant mon ordinateur. Dans tout cela, j’ai quand même eu un très bon mois de lecture, dont j’aimerais parler sur ce blog.

Il y a trois semaines, j’ai été à la bibliothèque (c’est aussi pour cela que vous avez un billet, car je dois rendre le livre tout simplement) et en traînant dans les rayons, j’ai vu un livre dépassé, avec des écritures chinoises sur la quatrième de couverture. Il était rangé dans un rayon où je ne vais absolument jamais, celui de la poésie. J’ai été voir par curiosité. Première constatation : oui, le livre est très grand mais surtout est très beau, papier crème magnifique, reproductions de peintures anciennes sublimes. Je l’ai donc emprunté et lu le jour même.

Le livre commence par une préface de deux pages de Pierre-Jean Rémy, de l’Académie française, nous expliquant la chance que nous avons de pouvoir lire ce document. Dans les années 1950, un libraire collectionneur a acheté un album de peintures chinoises. À une époque, il décide de faire photographier (de manière professionnelle) chacune des planches de cet album, après avoir compris que cet ouvrage avait beaucoup de valeurs (et il n’avait encore pas tout compris). Il montre bien plus tard les photos à un éditeur, qui les montre à Pierre-Jean Rémy. Ne s’y connaissant pas trop en peintures chinoises, il montre les photos à François Cheng, qui situe les images dans l’Histoire de l’Art Chinois. « Il s’émerveille et se pose aussitôt les questions : et s’il s’agissait des peintures originales ayant servi de modèles à un ouvrage imprimé ou estampé ? Et si les poèmes de Kangxi qui surmontent chacune d’elles avaient vraiment été calligraphiés par l’empereur ?  » Là, Nathalie Monnet, conservatrice à la Bibliothèque nationale de France montre que l’intuition de François Cheng était juste. Il s’agit bien du manuscrit original, calligraphié par l’empereur Kangxi et illustré par un peintre de l’époque Jiao Bingzhen. Entre temps, le manuscrit original est volé au collectionneur. Ce sont donc les photographies (de très haute qualité) que nous pouvons encore admirer aujourd’hui.

Mais de quoi s’agit, au fait ? Le Gengzhitu est un album de deux fois vingt-trois peintures chinoises, une série illustrant la culture ancestrale du riz, l’autre illustrant la fabrication de la soie. Chacune des quarante-six peintures est surmontée d’une calligraphie de l’empereur Kangxi, empereur chinois contemporain de Louis XIV, connu pour sa sagesse et son érudition.

Après l’introduction de Pierre-Jean Rémy, se trouve une introduction de Nathalie Monnet détaillant le contexte historique (empereur, époque, vie quotidienne), les versions préalables de ce grand classique chinois, la création (commande, techniques utilisées…) et la parution de cette version, puis le devenir de ce livre dans les générations suivantes. Nathalie Monnet signe ici une magnifique introduction, longue, très instructive et complète, sans jamais être rébarbative, inabordable ou ennuyeuse. C’est son texte qui contribue à vous mettre en bouche pour la troisième partie du livre.

C’est donc avec les yeux brillants que vous commencez à lire la traduction française de la poésie de Kangxi. Personnellement, j’ai admiré le travail d’édition. Chacune des quarante six planches est reproduite en taille moyenne, en dessous se trouve donc la traduction de la poésie de Kangxi. Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, je ne comprends pas souvent la poésie, sauf qu’ici, c’est magnifique. Kangxi « raconte » les illustrations, explique très précisément chacune des étapes de la culture du riz ou de la production de la soie, magnifie la nature, inscrit ces activités dans un cadre ancestral mais aussi souligne, avec sensibilité, le dur labeur de ces sujets. Dire tout cela avec une telle concision est pour moi quelque chose d’assez extraordinaire. On peut aussi souligner au passage le travail de traduction de Bernard Fuhrer.

Ensuite, il y a une double page pour expliquer les cachets de lecture présents sur chacune des pages de l’album. Tout empereurs qu’ils étaient, chacun mettait son cachet pour dire que le livre était dans sa bibliothèque et/ou qu’il l’avait lu. Je n’ose imaginer l’état des livres de bibliothèque, si tout le monde se mettait à faire pareil …

Pour la dernière partie, vous avez de nouveaux les reproductions des quarante-six planches, mais cette fois-ci en très grande taille (celle du livre). Cela permet d’admirer la minutie de la peinture, de pouvoir appréhender l’ensemble des scènes qui sont illustrées (généralement, il y a plusieurs groupes de personnages et donc plusieurs points à regarder).

À la fin de ma lecture, j’avais un sentiment d’érudition extraordinaire, d’avoir découvert un texte lumineux, surpassant tout. Je vous laisse imaginer comme je suis triste de le rendre aujourd’hui.

Références

Le Gengzhitu – Le livre du riz et de la soie – poèmes de l’empereur Kangxi – peinture sur soie de JIAO Bingzhen – présenté par Nathalie Monnet (conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France) – traduit du chinois par Bernard Fuhrer – préface de Pierre-Jean Rémy de l’Académie française (JC Lattès, 2003)


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