C’est mon premier Vladimir Nabokov (alors que j’en ai quelques uns dans ma PAL depuis un peu de temps tout de même). J’ai commencé par celui-là car c’était le plus court et qu’il était dans la collection Les cahiers rouges de chez Grasset. Des fois, j’en veux aux autres (plus exactement à certains) de donner l’impression que certains auteurs peuvent être inaccessibles (d’un autre côté c’est une impression de ma part, pas forcément une intention des gens). Si ce livre donne un bon aperçu du style de Nabokov (et encore c’est un roman qui date de ses années « russes », donc de ses débuts), je vous le dis, Nabokov, c’est juste extraordinaire ! pas ennuyeux pour un sou, très bien écrit, passionnant, bien construit … J’ai hâte d’en lire d’autres.
Remettons le livre dans le contexte de l’oeuvre de l’auteur. Il a écrit ce roman en russe lorsqu’il était encore en exil à Berlin (après avoir fuit la Révolution russe) et l’a publié en 1932-1933 (en russe donc mais à Berlin). Il a été publié en français par Grasset, dès 1934. C’est cette traduction que l’on peut lire quand on ouvre le livre des Cahiers rouges. Il existe une seconde traduction en français, intitulée Rire dans la nuit. Celle-ci est une traduction plus tardive puisqu’elle est issue de la retraduction par Nabokov lui-même du roman en anglais. Je vais essayer d’être plus claire : Nabokov a lu la traduction de son roman en anglais, l’a trouvé pas terrible et l’a refait. Cette nouvelle traduction a été elle aussi traduite en français.
La quatrième de couverture indique qu’on retrouve des éléments de Lolita dans Chambre obscure. Comme je vous le disais, je ne l’ai jamais lu mais depuis ma lecture, j’ai lu une biographie de Vladimir Nabokov qui détaillait chacun des livres de l’auteur. Je dirais qu’on retrouve la jeune fille, le monsieur d’un certain âge mais c’est tout. L’intrigue de Lolita me semble un peu plus complexe que celle de Chambre Obscure aussi.
Assez de suspens ! Résumons un peu l’intrigue. Le roman se passe à Berlin. Magda est une jeune fille (16 ans), issue d’une famille assez pauvre où très tôt, elle s’aperçoit qu’elle est de trop. Elle travaille comme ouvreuse dans un cinéma (à défaut d’être actrice), a déjà connu une histoire passionnelle avec un homme, un dessinateur. Cette histoire avait mal commencé tout de même, car l’homme lui a été présenté par une sorte de mère maquerelle, mais s’est déclarée être passionnelle. Elle s’est par contre mal terminée puisque l’homme l’a quitté au bout d’un mois de vie commune.
C’est donc au cinéma que Magda rencontre Bruno Kretchmar, critique d’art, bien installé dans la vie, une femme, une fille, un beau-frère … Kretchmar tombe sous le charme de la jeune et innocente Magda. Il flirte avec elle, en se disant qu’il pourra arrêter quand il veut. Il commence par exemple par lui mentir sur son identité mais elle fait des recherches et le retrouve, pénètre chez lui. Et comme cela, elle rentre très rapidement dans sa vie si proprette … et détruit tout sur son passage bien évidemment. Bien sûr, elle n’est pas amoureuse et cherche à profiter de son argent mais lui non plus à mon avis n’est pas réellement amoureux d’elle, il aime l’image qu’il se fait d’elle et le rôle qu’il joue auprès d’elle (comme une sorte de révélateur de la personnalité de la jeune femme).
L’histoire se complique encore quand le premier amant de Magda revient à Berlin (il est américain), invité par Kretchmar, tous les deux travaillant dans l’art (il ne sait bien sûr pas que l’autre homme est le premier amant de la jeune femme). Le premier amant lui aussi s’introduit progressivement dans la vie de Kretchmar, qui le croit son ami, tout en reprenant sa passion avec Magda. Et là, toute l’histoire empire encore …
Ce livre est un véritable thriller. Apparemment la fin est connue dès le début mais comme je ne m’en suis pas rendue compte (et j’avoue que je n’ai même pas compris à la relecture), j’ai lu le livre, les yeux grands ouverts, en voulant crier à ce pauvre Bruno : « Ouvre les yeux ! Ne comprends tu rien ! » (on peut aussi penser qu’est-ce qu’ils sont bêtes ces hommes en lisant cette histoire mais je ne l’ai pas fait). L’engrenage est si parfait, le piège si bien tendu … qu’on ne peut que s’étonner qu’un homme si intelligent ne se rende compte de rien.
Là où j’ai admiré Nabokov, c’est que là où je croyais lire une histoire cousue de fils blancs, où je me disais que je savais où le roman allait aller … Nabokov m’a surprise tous les chapitres à peu près, par un événement, par un bout d’histoire que je n’avais pas prévue, rendant ma lecture encore un peu plus fébrile à chaque fois.
On reste très extérieur à l’histoire tout de même. On ne se met pas à la place d’aucun des trois personnages du trio diabolique : on ne prend en pitié personne, mais on n’admire personne non plus. Le sentiment du piège qui se referme est d’autant plus fort à mon avis. Par contre, on « visualise » chacun des personnages, et surtout on les comprend très bien : on comprend leur manière d’agir, de penser aussi.
J’espère avoir été assez explicite. Si je lui mettais une note (ce que je vais faire sur LibraryThing d’ailleurs), ce serait un 4,5/5. Pas le coup de cœur mais presque. C’est le premier livre que je découvre de l’auteur, je laisse une marge tout de même !
Références
Chambre Obscure de Vladimir NABOKOV – traduit du russe par Doussia Ergaz (Les Cahiers Rouges / Grasset, 2013)
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