Mercredi, je suis aussi allée à la librairie mais pas n’importe laquelle, c’était Le Divan à Paris. Cela faisait 9-10 mois que je n’y avais pas remis les pieds. Je n’avais pas déserté les librairies mais je m’étais contentée de Gibert Joseph (car c’est la librairie la plus directe pour moi). Gibert est top quand vous savez ce que vous cherchez (et c’est encore mieux quand ils l’ont en occasion) ou quand vous voulez avoir un panel d’à peu près toutes les nouveautés. Sauf que parfois vous pouvez louper un chef d’œuvre. Au Divan, vous n’avez peut être pas tout (et encore : ils ont beaucoup de nouveauté et un fond extraordinaire) mais sur la table des coups de cœur, vous savez que vous allez trouver une pépite à chaque fois, et souvent une pépite dont vous ignoriez l’existence. Parce que oui, alors que je suis allée à Gibert depuis le premier avril, date de sortie du livre, et que j’adore la littérature irlandaise, j’ignorais complètement l’existence de ce livre. Au Divan, il était sur la fameuse table magique pleine de pépites avec écrit dessus coup de cœur. Quand j’ai vu que c’était irlandais, je l’ai pris sans aucune hésitation.
Je l’ai commencé (j’ai lu 50 pages) puis abandonné deux jours pour finalement terminer les 200 pages restantes d’une traite. Parfois cela fait du bien de se concentrer entièrement à un livre. Après en général, je me sens coupable parce qu’il y a tellement de choses à faire dans la maison, pour le travail … que du coup je ne fais pas. Mais là, ce livre en avait besoin (et moi aussi).
C’est un roman qui est paru une première fois en 1976. Son auteur a été acclamé par la critique mais il a préféré fuir la scène littéraire. Il a quand même continué à écrire et à publier. Ce roman est reparu en 2013 et est traduit aujourd’hui (pour la première fois je pense) en français.
On est dans le comté de Galway (patrie de Ken Bruen), à Ballinasloe exactement, en 1972. Le personnage principal est Susan O’Hallrahan, couturière, la cinquantaine, veuve, avec un fils Diarmaid, âgé de 18 ans. La vie n’a pas été facile pour Susan. Après avoir épousé George, le père de son fils, été à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale, son mari l’a quitté car cette vie ne lui convenait pas. Parti, il meurt peu de temps après. Elle va donc donc vivre seul avec son fils. À l’adolescence, elle va l’inscrire dans un internat où il fera la connaissance de Derek O’Mahony, souffre-douleur de ses camarades et qui finira par se pendre à un arbre. Très marqué par la mort de son ami, Diarmaid part à Londres, puis revient, puis repart.
Tous ces évènements ne sont pas racontés comme cela, de manière linéaire dans le livre. La narration commence juste avant le retour de Diarmaid. Susan évoque son passé, sa solitude, son envie de voir son fils. Son fils arrive pour rester plusieurs mois. Elle commence à se rapprocher de lui, qui reste taciturne à faire des icônes. Chaque moment rappelle quelque chose à Susan. Au bout de quelques mois, une certaine complicité commence à renaître. Pourtant, il repart à Londres. Suite à un pressentiment, Susan part à sa suite pour le retrouver et voir s’il va bien.
Tout le roman parle de solitude et du passage du temps. C’est particulièrement vrai pour le personnage de Susan. Elle n’est pas vraiment liée au reste du village et elle n’est pas plus liée à son fils. Elle l’aime bien évidemment. Elle vit, en regardant le temps passé, dans ses souvenirs, dans une vie rêvée un peu aussi. Elle est aussi très sensible et intuitive. En allant en Angleterre, elle retrouve sa jeunesse et un peu d’envie de vivre. Elle se réalise en redevenant quelqu’un. Sans aucune prétention. C’est très intéressant de lire l’évolution de ce personnage au fil du roman car sa personnalité semble marquée autant par les évènements que par le paysage. Diarmaid évolue aussi. Au début, il reste pour le lecteur un être énigmatique, renfrogné, marqué par le suicide de son ami mais au fur et à mesure du voyage de Susan en Angleterre, on le découvre à travers le regard des autres. Par contre, je n’en dirais pas plus pour ne pas dévoiler tout le roman non plus.
L’écriture rend réellement ce livre formidable ; je pense que l’histoire seule n’aurait pas suffit. Le roman est raconté en suivant le personnage de la mère. On suit le vagabondage de ses idées. Ce n’est pas vraiment du flux de conscience mais cela y ressemble un peu. Dans le cas de notre « héroïne », un rien peu lui faire penser au passé. La narration n’est jamais monotone, la phrase change de rythme. Les idées se suivent de manière évidente ou non. C’est une manière de penser que je trouve très naturelle (en tout cas, dans mon cas). Desmond Hogan a très bien su rendre cela.
Vous aurez compris que c’est un vrai coup de cœur pour moi. Si vous le lisez, n’hésitez pas à me dire ce que vous en aurez pensé (je signale quand même que sur LibraryThing, la majorité des gens ont mis une note de 3/5).
Références
Le garçon aux icônes de Desmond HOGAN – traduit de l’anglais (Irlande) par Pierre Demarty (Grasset, 2015)
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