Comme quoi, je sors parfois des trucs de ma PAL. Je crois que je l’avais acheté à Gibert en 2008 parce que je voyais souvent Doris Lessing sur les blogs (peut être à cause de son prix Nobel et que cela m’avait rendu curieuse). Pour résumer, j’ai acheté ce livre de poche, il y a très très longtemps.
C’est vraiment une lecture extraordinaire (à moins que vous soyez enceinte). J’oserais bien dire un coup de cœur (mais comme je l’utilise très souvent).
David et Harriet se rencontre lors d’une soirée d’entreprise. Ils sont ceux qui restent à part, qui ne dansent pas car ils sont vus par les autres comme arriérés : lui défend l’idée de grande famille … et elle est toujours vierge. Ils se rencontrent donc, se plaisent tout de suite, se marient et s’installent très vite tellement ils sont persuadés d’être fait l’un pour l’autre. La vie leur sourit tellement qu’il ne peut pas et qu’il n’y aura jamais une ombre à leur bonheur. Ils ne peuvent en douter.
Très vite arrive le premier enfant, Luke, fabriqués dès le premier jour dans leur grande maison à trois étages qui ressemblent plus à un hôtel. Il arrive un peu trop vite selon leurs plans (ils l’avaient prévu dans deux ans) car le jeune couple doit payer les traites de sa maison, ne peut pas se permettre qu’Harriet arrête de travailler. Pourtant ils feront avec car on doit laisser faire la Nature, il n’y a rien de plus beaux que les enfants, la famille, le bonheur.
Rapidement, toute la famille se réunit dans cette grande maison où règne le bonheur : Molly et Frederik, la mère et le beau-père de David, James et Jessica, le père et la belle-mère de David (pièce essentielle du bonheur puisque étant riches, c’est eux qui financent le bonheur du jeune couple), Deborah, la sœur de David, Dorothy, la mère d’Harriet, les deux sœurs d’Harriet avec leurs maris et enfants, des cousins éloignés de tous les côtés. Ils arrivent à rentrer à plus de trente.
Rapidement naissent d’autres bébés : Helen, Jane et Paul. Quatre enfants en six ans ! La famille accuse Harriet et David d’inconscience car il faut élever ses enfants, puis payer leurs études (James ne sera pas forcément toujours là). De plus, ses grossesses à répétition fatigue Harriet même si sa mère l’aide beaucoup en venant passer du temps chez elle pour la relever de certaines fonctions. Là encore, Doris Lessing insiste sur le projet de vie « démodé » du couple : c’est avant qu’on faisait autant d’enfants (parce qu’on savait qu’il y en avait la moitié qui allait mourir dixit je ne sais plus qui dans le roman). Le couple promet de se retenir.
Il y a une première ombre au tableau. Une des sœurs d’Harriet ne s’entend plus avec son mari, on pourrait croire au divorce mais elle est enceinte. À la naissance, le bébé, Amy, se trouvera être trisomique. David et Harriet soupire de soulagement car ce n’est pas eux et pense que ce sont les disputes incessantes du couples qui ont provoqué ce malheur (on est dans les années 70).
Rapidement, Harriet se retrouve enceinte de son cinquième enfant. Bien sûr tout le monde la réprouve (David un peu moins bizarrement) ; elle pense même qu’on la traite comme une « criminelle ». Rapidement, elle s’aperçoit que quelque chose ne va pas : elle se sent comme manger par l’intérieur, elle considère son enfant comme un ennemi qui lui veut du mal (il lui donne des coups horribles). Enfin, vient la délivrance de l’accouchement. Ce cinquième enfant ne s’avérera pas du tout normal. Il a bien tout ce qu’il faut là où il faut mais il ressemble à un gnome, il fait plus âgé, il est violent et colérique. Il est totalement différent des quatre autres.
C’est le début de la dislocation pour cette famille heureuse et c’est ce que raconte le roman.
On raconte le combat d’Harriet qui doit lutter entre le désir de savoir ce qu’à son fils (« votre fils est normal Madame » … « j’en ai quatre autres ils ne sont pas du tout comme cela » … « c’est votre faute car vous n’aimez pas celui-ci » alors qu’en tant que mère elle sait très bien qu’il est différent), de l’élever et de l’éduquer au mieux pour qu’il puisse sans sortir mais aussi la répugnance et la peur qu’il exerce sur elle. Elle n’arrive pas à maintenir une vie de famille comme avant : David se détourne d’elle même s’il l’aide au mieux (elle est un peu coupable tout de même), ses quatre enfants ont peur et n’aime pas le nouvel arrivant (il s’appelle Ben je ne l’ai pas précisé) … Le livre parle aussi du placement en institution et ce que c’était d’avoir un enfant anormal (dont aucun mot, aucun diagnostic ne s’appliquait) dans cette société (je ne suis pas sûre que cela est beaucoup changé).
Ce livre ne cherche pas à générer de l’émotion mais est plutôt démonstratif. Pendant la lecture, je ne me suis pas dit « oh la pauvre maman », « oh la pauvre famille » ni « oh quelle mère cruelle ». Doris Lessing montre une très grande palette de situation, d’émotions contradictoires sans aucune honte ou bienpensance. Je ne savais pas quoi penser à la fin de ma lecture, j’étais juste abasourdie que quelqu’un arrive à décrire une situation avec autant de bon sens et juste faire avec.
Cela m’a donné l’impression que c’était la « vraie » vie (pas celle d’un personnage binaire, ou mauvais ou gentil). Quand l’enfant est là, on fait de son mieux et c’est tout. Les autres ne peuvent pas juger parce qu’il ne voit que l’ »extérieur du problème ». La conclusion du livre est plus triste que cela car Harriet regarde l’état de sa famille et ce qu’est devenu Ben. En tant que lectrice, j’ai juste pensé « mais tu l’as fait, tu as fait de ton mieux et ce n’est pas si mal ».
J’ai beaucoup moins adhéré à l’explication de la différence de Ben, genre réminiscence des hommes des cavernes. Si vous êtes comme moi un peu perplexe, j’ai vu ce livre dans une liste de lecture sur l’autisme. Cela semble plus « moderne » comme explication.
Le livre est très court (186 pages) mais aborde énormément de thèmes (que je n’ai pas forcément détaillé ici). Je le redis : c’est un livre à lire sans aucun doute. Il y a une suite qui a été écrite Le Monde de Ben.
Références
Le Cinquième Enfant de Doris LESSING – roman traduit de l’anglais par Marianne Véron (Livre de Poche, 2008)
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