J’ai acheté ce livre avec ma mère à l’île d’Oléron en 2004 quand on y est allé faire notre généalogie. Je m’en rappelle bien car à ce moment là on était dans notre période irlandaise (ma mère avait deux pays de prédilections : l’Irlande de sa lune de miel et la Russie de son voyage dans le Transsibérien ; elle a contaminé toute la famille). Ce livre a fait dix ans de purgatoire PAL. Je dis cela pour que les autres ne désespèrent pas en me lisant.
C’est l’histoire d’un homme qui revient de la guerre, complètement brisé psychologiquement. Pour se remettre, on lui conseille de se rendre sur la petite île d’Inverara. Il logera chez des gens du coin : la petite Mary (qui est la plus grande des environs) et John le Rouge (à cause de sa femme), mariés depuis cinq ans, mariage toujours pas consommé.
Il est tout de suite dégoûté par ces gens, qu’il pense très inférieurs à lui l’intellectuel dont le père a défié les curés et qui a été à l’université et même vu le monde. Pourtant la petite Mary voit en lui le prince charmant qui la sortira des griffes de son rustre de mari, elle la fille naturelle d’un noble. Tout cela se passe en hiver. La petite île est battue par les tempêtes, ce qui joue énormément sur les caractères surtout sur celui de notre étranger. Il est la plupart du temps renfrognée, solitaire. Il est aussi impulsif que les bourrasques qui frappent l’île.
Les saisons avancent, le climat s’éclaircit et devient plus paisible. Les affaires de la petite Mary s’éclaircissent de même puisqu’elle arrive à séduire l’étranger, encore rebelle au printemps mais complètement conquis en hiver. L’automne verra la conclusion de cette histoire.
Le livre suit donc les saisons. Sur une île irlandaise, le climat est extrêmement changeant, imprévisible, fuyant. C’est exactement le caractère de l’étranger. Personnellement, j’ai beaucoup de mal avec les gens qui changent cinquante fois d’avis en cinq minutes et c’est exactement ce qu’il fait. Il aime Mary, puis deux lignes après il sort un argument fallacieux pour dire qu’elle ne l’aime pas, qu’elle se joue de lui. C’est fait sans transition, sans même qu’on puisse comprendre ce qui s’est passé dans sa tête. C’est très dur de rentrer dans la psychologie d’un personnage dans ces conditions. C’est ce que j’ai trouvé plutôt faible dans ce livre (je ne sais pas qui je suis pour dire cela mais vous me permettrez). Le personnage de Mary et celui de John le Rouge sont statiques par rapport et semblent plus simple à comprendre dans mon cas.
Par contre, ce qui est fantastique dans ce livre, c’est la description des phénomènes météorologiques, de la nature en général. On s’y croirait. Alors que j’ai eu du mal à croire à l’histoire d’amour, j’étais en train de me promener sous la tempête à Inverara. La lectrice que je suis a aussi admiré la manière dont les images du temps se superposaient à celles des variations du caractère du personnage principal. J’en ai conclu que Liam O’Flaherty était particulièrement doué pour peindre les paysages et la vie quotidienne (regardée ici sans concession), moins pour les personnages.
Ce qui m’a confirmé cela, outre la postface de Tim Robinson, c’est le fait que le personnage principal s’interroge toujours sur la place qu’il a dans la société. Il se pose tout le long du roman la question de savoir si la posture de l’intellectuel peut lui apporter quelque chose ainsi que la société. L’étranger semble justement toujours intégré, ne trouve jamais sa place. En lisant la postface qui reprend des éléments biographiques de Liam O’Flaherty, j’ai pensé que l’auteur avait trop vécu pour pouvoir être normal, lui aussi avait cette position hybride (quoique inversé par rapport au personnage principal). Plus que les déboires amoureux du héros, ce sont ses réflexions sur qui il est vraiment qui m’ont intéressée.
Références
L’Âme noire de Liam O’FLAHERTY – traduit de l’anglais par Béatrice Vierne (Le serpent à plume – collection Motifs, 2004)
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