J’ai effectué une lecture chaotique de ce livre. J’ai lu d’abord les cent vingt premières pages. J’ai trouvé cela bien mais très très lent. Je n’ai pas aimé le fait que l’auteur fasse un chapitre = un personnage et que chaque chapitre soit déconnecté du précédent. J’étais prête à l’abandonner à son triste sort puis j’ai relu le billet de Sandrine qui m’a fait acheté le livre (il y a aussi le souvenir du billet de Dominique sur La Tristesse du Samouraï). J’ai alors remis en cause la lectrice plutôt que le livre. Je lisais sur mon reader dans le RER. Je me suis dit que ce n’était pas un livre pour cela alors le week-end dernier, j’ai décidé de m’accrocher et de mettre un coup de collier, soit ça passe soit ça casse. C’est donc passé (il faut dire que le rythme s’accélère et que l’auteur abandonne par la suite la construction qui ne plaisait pas) et je l’ai fini cette semaine.
Au final j’ai plutôt beaucoup aimé. Ce qui m’a particulièrement plu c’est la complexité de l’histoire et comment l’auteur arrive à enchevêtrer tous ces personnages.
Pour vous expliquer tout cela, j’ai fait un petit diagramme représentant les personnages principaux du livre. Les groupes et les flèches sont les relations qui existent dans les cent vingt premières pages. Les personnages qui n’apparaissent pas dans un groupe sont ceux qui apparaissent après. Ce qu’il faut voir, c’est qu’à la fin du livre, tous les groupes seront reliés par plusieurs flèches et en gros, il y en aura partout.
Eduardo était un peintre célèbre jusqu’à il y a une quinzaine d’années, jusqu’à ce que sa femme et sa fille, Elena et Tania, meurent dans un accident de voiture, qu’il devienne infirme et qu’il tue le chauffard responsable de tout cela. Après avoir fini de purger sa peine de prison, il se retrouve suivi par une psychiatre, Martina, loge dans la pension de Graciela, qui a une fille, Sara, avec des problèmes psychiatriques. Il a aussi renoué avec Olga, son ancienne galeriste, qui lui propose une commande.
Gloria A. Tagger, célèbre violoniste, veut qu’il fasse le portrait du chauffard qui a tué son fils Ian (il y a beaucoup d’accidents de voiture dans cette histoire). Elle ne s’en ai jamais remise (on la comprend). Depuis elle est divorcée de son mari, le célèbre réalisateur Ian Mackenzie, qui vit désormais en Australie.
Arthur est le fameux meurtrier de Ian. Il est aussi le fils d’un « ancien combattant de l’OAS enrichi par le gaz et le pétrole d’Alger ». Lui aussi sort de prison au début du roman. Avant la prison, sa vie était occupée par de nombreuses femmes : Andrea, sa femme, qui est actuellement en hôpital psychiatrique suite à la disparition soudaine de leur fille Aroha ; ses maîtresses dont Diana est la principale. En prison, sa vie n’est bien sûr occupée que par des hommes : Ibrahim, son compagnon de cellule, « un mercenaire soufi », l’Arménien, le patron des prisonniers, qui veut la mort d’Arthur puisque celui-ci a tué sa fille dans le même accident qui a tué Ian. Comme c’était un accident, Arthur sort au bout de quatre ans et engage de suite Guzmán, « ancien agent de la police politique de Pinochet » pour retrouver Aroha et reconquérir Andrea.
Là-dessus s’ajoute Mr. Who, jeune prostitué androgyne (qui a entre autre pour cliente une Graciela en manque d’amour), travaillant pour Mr. Chang et amoureux de Mei, qui travaille dans les ateliers clandestins du même Mr. Chang. Mr. Who habite avec sa mère adoptive, Maribel, ancienne danseuse clouée dans un fauteuil roulant, passant son temps à pleurer son mari Teo.
Voilà donc un auteur à qui on ne peut pas reprocher de manquer de personnages et d’imagination. Tous les personnages que j’ai cité sont importants dans l’histoire ! J’ai trouvé fascinant et brillant que l’auteur arrive à s’y retrouver et surtout à ne pas nous perdre.
Je mettrai encore quelques bémols (même si j’insiste j’ai beaucoup aimé). Le roman a le défaut de ses qualités. On s’attache aux personnages (Sara, Eduardo, Graciela et même Arthur pour moi) mais l’auteur n’a pas le temps de nous décrire toutes leurs psychologies. On ressent un certain manque comme s’ils n’étaient pas complets. On voudrait en savoir plus mais on les abandonne trop vite. L’exemple le plus frappant est la psychiatre de Eduardo, Martina, qui est peinte comme une femme très seule au niveau personnel (au niveau des situations dans lesquelles elle intervient) mais qui nous est décrite comme plutôt froide dans la vie professionnelle. On ne sait rien du pourquoi du comment de cette différence. Ce n’est pas un personnage principal mais elle est tout de même récurrente dans le roman. Je trouve qu’elle aurait mérité quelques pages supplémentaires. Des difficultés de Sara, on n’en saura pas beaucoup non plus alors qu’elle aussi intervient de manière récurrente.
Le deuxième bémol est que parfois Víctor Del Árbol est un peu trop bavard avec des considérations psychologiques trop vagues pour être intéressantes. Je viens d’apprendre un mot en anglais pour décrire cela : psychobabble. Je trouve que parfois ces digressions sont inutiles et hors propos, le roman étant suffisamment touffu et bien construit pour être apprécié.
Finalement, une bonne lecture même si pour l’apprécier, j’ai du m’accrocher et si j’ai moins aimé certains passages. Je suis curieuse maintenant de découvrir La Tristesse du Samouraï (surtout qu’il est sorti en poche).
Références
La Maison des Chagrins de Víctor DEL ÁRBOL – traduit de l’espagnol par Claude Bleton (Actes Sud, 2013)
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