Une présentation de l’auteur par Éric Dussert, préfacier
Rien n’explique le dédain où l’on tient Vladimir Korolenko en France. Cet homme qui fit figure de Zola russe, et de mentor pour Maxime Gorki, cet écrivain dont furent vite reconnues l’immense humanité et la totale simplicité (…) ne peut guère rester ignoré. Son œuvre en jachère doit rejoindre les lecteurs, qui sauront déguster La Gelée, comme Le Musicien aveugle ou Le Rêve de Makar, ainsi que ses souvenirs qui seront traduits un jour (…). Gorki l’appelle la « conscience de la Russie » après la mort de Tolstoï, quand il est « l’âme de la littérature russe » pour Rosa Luxembourg.
Mon avis
J’ai lu deux fois le texte. La première fois je n’ai rien compris à part que tout était blanc. Je me suis reprise car la préface est d’Éric Dussert et que pour moi, cet homme c’est L’Arbre Vengeur et ses découvertes de chefs d’œuvre oubliés. J’ai donc relu cette nouvelle d’une cinquantaine de pages le lendemain, à tête reposée, en silence. Bien m’en a pris car le livre m’est apparu splendide et l’histoire nettement plus claire que la première fois.
On suit un groupe de personnes qui descend la Lena au début de l’hiver comme le précise le premier paragraphe :
Nous nous dirigions vers le Sud en suivant la rive de la Lena, tandis que du Nord, l’hiver nous rattrapait. Pourtant nous aurions pu croire qu’il venait à notre rencontre, en descendant le cours du fleuve.
Vous remarquerez qu’en deux phrases l’auteur décrit la situation et on y est. C’est comme cela dans toute la nouvelle. La langue est évocatrice et très précise.
La premier chapitre décrit cette invasion du froid, de la neige mais surtout de la glace sur le fleuve. C’est ce qui m’était resté de ma première lecture : tout était blanc. Au contraire de ce que l’on pourrait penser (imaginer, fantasmer), ce paysage est animé par des personnages, des histoires d’aujourd’hui et d’hier.
Le deuxième chapitre raconte une histoire d’aujourd’hui, la survie de deux chevreuils dans cet environnement rude. En effet, ce chapitre raconte la traversée de la rivière à peine gelée, des deux animaux, au péril de leur vie. Il raconte comment une fois arrivés sains et saufs sur la rive d’où ils étaient observés, les hommes et le chien les ont épargnés car admiratifs.
Tout cela donne lieu au cœur de la nouvelle, une histoire racontée par Sokolsky, l’explorateur, chef de la compagnie d’exploration des mines d’or. C’est une histoire d’hier au moment où il venait « d’être nommé à [son] poste » et qu’il allait « avec un ami à la mine d’or ». C’était une situation identique à celle d’aujourd’hui : froid, neige, tempête aussi. Son ami était un homme entier, qui préférait souvent les animaux aux hommes tellement ces derniers l’avaient écœuré. Ce que cette nouvelle raconte, c’est l’écœurement ultime qui contrebalancera avec la pseudo-générosité d’aujourd’hui (pseudo car non voulue).
Cette histoire m’a chaviré le cœur car je n’ai pas pu m’empêcher de faire un parallèle avec l’auteur qui nous est présenté dans la préface comme un homme extrêmement généreux, pensant d’abord aux autres, plutôt qu’à lui et à son œuvre littéraire.
D’autres textes de Vladimir KOROLENKO sur le site de La bibliothèque russe et slave.
Le livre rentre évidemment dans l’Hiver en Russie proposée par Cryssilda et Titine (je ne me suis pas inscrite mais ce n’est pas pour autant que cela ne rentre pas dedans).
Références
La Gelée de Vladimir KOROLENKO (1853-1921) – nouvelle traduite du russe – préface d’Éric Dussert (Librairie La Brèche Éditions, 2012)
La traduction reprend celle publiée en 1922 aux éditions Jacques Povolosky.
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