Quitte à être en hiver, autant aller en Sibérie, en Sibérie orientale (près de l’Océan Arctique et de la Mer de Béring) (pour ceux qui ont un doute sur leur géographie, aller voir la carte). Omruvié, éleveur de rennes, journaliste et écrivain, écrit ici un roman fort dépaysant et aussi très instructif car il se passe au moment de la collectivisation des terres des Tchouktches dans les années autour de la Seconde Guerre mondiale.
Si vous vous rappelez Himalaya (c’est le film qui a fait rêver toute ma famille pendant des années : on se le passait à chaque Noël), c’est un peu pareil. Un village, composé de plusieurs familles, s’établit pour une saison à un endroit. Les femmes travaillent à la préparation de l’hiver, à la confection des habits, à la préparation de la nourriture … tandis que les hommes s’occupent d’élever les rennes. Si j’ai bien compris, une personne possède les rennes mais fait vivre toutes les personnes l’aidant dans l’élevage, normalement cette aide est décente et peu de personnes sont dans la pauvreté. Les terres sont un peu à n’importe qui et celui qui s’établit pour l’année ne se fait pas chasser. Les enfants sont élevés dans les familles où ils apprennent les traditions, la langue, le métier d’éleveur de rennes. Une femme est considérée comme belle si elle est travailleuse et courageuse, pareil pour un homme.
Ce qui est intéressant dans le roman d’Omruvié, c’est qu’il ne contente pas de montrer ce côté idyllique mais aussi les tensions, les jalousies, les vols de rennes, les combats … entre personnes et villages. Il n’associe pas forcément cette évolution des mentalités par rapport à cet ancêtre aux évènements politiques de la Russie de l’époque puisqu’il décrit cela avant la collectivisation. Pour tout cela sera augmenté quand on imposera la collectivisation. Les enfants seront élevés à la ville près des côtes, ne parleront plus que russe, n’auront plus dans leurs têtes les connaissances ancestrales. Les éleveurs ne posséderont plus leurs rennes : au départ, la collectivisation sera volontaire puis forcée et entraînera des « rebellions » ; cela distendra un peu plus la communauté.
Omruvié ne parle pas politique, ne juge pas les évènements ou quoique ce soit mais se demande ce que va devenir ce peuple. Il se pose la question de l’évolution et non de la disparition, révélant une vision très distanciée des choses, je trouve.
Références
Éleveurs de rennes de OMRUVIÉ – traduit du tchouktche et préfacé par Charles Weinstein (Autrement, 2000)
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