Quatrième de couverture
Ce classique des lettres américaines est, selon Diane de Margerie qui en a établi la présente édition, « de ceux qui laissent une trace ineffaçable ». Et pour cause : ce récit halluciné, tendu et violent nous est livré à la première personne par une jeune mère tombée en dépression grave. Elle accepte de se soumettre à une cure de repos d’un genre radical, qui s’apparente à une séquestration pure et simple. L’idée du mari médecin : après un régime de privation si draconien, l’épouse taraudée par des idées d’émancipation n’aura qu’un souhait… échapper à sa prison pour retrouver enfin les doux plaisirs du foyers. Cependant elle ne réagit pas comme l’avait prévu la Faculté…Charlotte Perkins Gilman (1860-1935) fut l’une des premières féministes de l’Amérique moderne. Rendue un temps « folle »par le mariage et la maternité, partagée entre l’amour des hommes et celui de quelques femmes élues, Charlotte la scandaleuse ne cessa de lutter pour qu’on la laisse être ce qu’elle était.
Mon avis
Je vous ai dit à l’occasion de ma lecture de la biographie d’Edith Wharton par Diane de Margerie que j’avais très envie de lire La séquestrée de Charlotte Perkins Gilman. C’est chose faite ! Charlotte Perkins Gilman est une contemporraine d’Edith Wharton (elles ont deux ans d’écart) et ont subi une époque assez semblable, chacune des deux s’en sortant différemment. Charlotte Perkins Gilman a subi son mariage, a fait alors une profonde dépression à la suite de ça et de la naissance de sa fille. Elle y a sûrement vu la fin d’une vie intellectuelle (la fin de l’écriture qui lui a permis d’échapper à toutes les difficultés de sa vie) puisqu’en ce temps la femme ne pouvait choisir de rester à la maison pour s’occuper du foyer mais y était obligée par le mari (et par le reste de la société). Elle a alors dû se plier à la cure de repos à la mode préconisée par le docteur Silas Wir Mitchell, décrite par Ann Lane (biographe de Charlotte Perkins Gilman) et citée dans la postface de Diane de Margerie :
« Ann Lane résume ainsi « sa méthode » [celle de Silas Wir Mitchell] : il fallait confiner ses patients, les mettre au lit, les isoler loin de leur famille, loin aussi de leurs lieux familiers, les gaver de nourriture, notamment de crême fraîche, car l’énergie dépend d’un corps bien nourri, enfin les soigner par des massages et des traitements électriques destinés à compenser la pasivité nécessaire à cette cure de repos.
Après ce régime draconien de séquestration, la patiente n’avait qu’une idée, éviter cette prison, retourner chez elle, retrouver la vie dite « normale », réconciliée à l’idée de s’affairer dans la maison auprès de son mari et de ses enfants. C’était un traitement par la négation ; l’absence de toute activité intellectuelle ; la mort de toute créavité artistique, considérée dangereuse. » (p. 68-69)
C’est cette cure de repos qui est décrite dans cette très courte nouvelle (48 pages) dont le titre en anglais est The Yellow Wallpaper. La jeune mère que nous suivons a déménagée pour trois mois dans une maison avec son mari (ils font des travaux dans la leur). Elle est un peu déprimée ; son marie, docteur, préconise qu’elle se repose, ne voit personne, ne fasse rien et elle ira sûrement mieux en sachant que cette jeune femme s’épanouit dans l’écriture. En plus, elle ne peut même pas choisir la chambre qu’elle va occuper. Elle doit aller au plus haut de la maison (il lui faut le grand air) dans une ancienne salle de jeux où il y a un papier peint très très moche. Par expérience personnelle je peux vous dire que ça peut vous faire vous poser beaucoup de questions. En effet, quand j’étais petite, j’étais dans la chambre que ma mère occupait trente ans plutôt et le papier peint était resté (il datait donc des années 60). Il était très bizarre et très sombre et vous donnait des cauchemards. Fini de parler de moi ! Donc, l’héroïne croît voir dans le papier peint un mystère à décrypter. En second plan, il y aurait une femme qui rampe et tente de s’échapper de ce monde. Je pense qu’il n’y pas besoin de vous expiquer la symbolique d’une femme qui rampe.
La nouvelle est suivie de 40 pages de postface de Diane de Margerie qui éclaire la vie de Charlotte Perkins Gilman mais aussi le contexte de l’époque (on a soigné de la même manière Alice James, soeur d’Henry). Le travail efectué par Diane de Margerie est éclairant et apporte un éclairage très important sur le texte.
En conclusion, une nouvelle à lire pour savoir comment il ne faut pas soigner la dépression !
D’autres avis
Ceux de Cathulu, de Lily, de Lou, d’Amanda Meyre, de Laure, de Malice, d’Un renard dans la bibliothèque, de Canthilde (qui commente aussi d’autres textes de Charlotte Perkins Gilman), de Brume …
Références
La séquestrée de Charlotte PERKINS GILMAN – traduit de l’anglais (États-Unis) et présenté par Diane de Margerie (Phébus – Libretto, 2002)
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