Quatrième de couverture
Capter l’insaisissable, le flux du temps, telle est la préoccupation majeure de Virginia Woolf à travers son oeuvre. Dans ce troisième roman, publié en 1922, elle entend faire le portrait de Jacob, jeune britannique de petite noblesse, mort très jeune au champ de bataille de la Première Guerre mondiale. Plutôt que de tenter de trouver la voix de Jacob, l’écrivain s’approche de ceux qui l’ont connu de près ou de loin, persuadée que c’est en accordant leurs visions qu’elle effleurera la complexité de ce personnage. La mère, devenue veuve très tôt, les femmes aimées, trahies, les camarades de Cambridge, qui se livrent en même temps qu’ils l’évoquent. Leurs voix se heurtent, s’interrompent, s’unissent parfois, à l’image du choc brutal que représentent la rencontre entre les êtres et leurs tentatives pour se comprendre.
La grande force de ce récit réside dans la justesse avec laquelle Virginia Woolf rend compte des sentiments, de leur inconstance, et du flot capricieux de la mémoire. Replaçant l’intimité de chacun dans un cadre plus large, naturel ou urbain, elle donne ainsi à entendre la musique des âmes, sur fond de vacarme du monde.
Mon avis
Je trouve la quatrième de couverture absolument magnifique. Sauf que je ne l’ai pas ressenti du tout comme ça (vous allez me dire que j’ai pas forcément compris le roman et c’est sûrement ça). J’ai mis ce roman dans ma PAL grâce aux avis conjugués de Lilly et Dominique. J’ai moins aimé que les deux précédents romans que j’avais lu : Au phare et Les Vagues. Au phare, j’avais trouvé que tout était magnifique : le regard porté sur les personnages, l’histoire, l’écriture. Les Vagues, j’ai adoré le style même si je n’ai pas eu l’impression de tout comprendre à l’histoire. Ce qui m’avait frappé, c’était le regard de Virginia Woolf, le fait qu’elle arrive à mettre en mot ce que l’on peut penser ou ressentir sans jamais arriver à l’exprimer : c’est le fameux « capter l’insaisissable » de la quatrième de couverture.
Dans ce roman-ci, j’ai eu l’impression justement de trop bien comprendre et d’une trop grande réalité. Par passages, elle a ce fameux regard qui fait rêver (notamment quand il est question de la mère de Jacob). Je pense que cela correspond au narrateur extérieur. Par contre, parfois, elle se pose sur un personnage comme un pigeon parisien sur le bitume et elle fait parler leur tête à eux et plus la sienne et là le roman devient comme les autres, pas banal (parce qu’il ne faut pas exagérer, c’est quand même très très bien écrit) mais moins exceptionnel à mon avis. C’est ce changement de narration qui m’a beaucoup gêné.
Je voulais aussi parler de quelque chose qui m’a marqué dans les trois romans mais dont je n’ai jamais parlé sur le blog : c’est la richesse lexicale de Virginia Woolf. Là où j’emploierais toute une périphrase, elle emploie un mot et elle a tout dit ! Je crois que cela renforce cette impression d’acuité que l’on peut avoir à la lecture de ses romans. C’est la première fois où j’observe cela chez un auteur.
C’est un bon roman mais je n’ai pas eu cette impression de lire un chef d’œuvre. D’un autre côté, ce n’est que son troisième. On voit qu’elle est en train d’affirmer son style, qu’elle développera dans Les Vagues ou dans Au phare. Le quatrième roman publié, c’est Mrs Dalloway. C’est le prochain que je lirai même si j’angoisse devant la difficulté.
Livre lu dans le cadre du challenge English Classics de Karine
Références
La chambre de Jacob de Virginia WOOLF – nouvelle traduction d’Agnès Desarthe (Stock / La cosmopolite, 2008)
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