Quatrième de couverture
Bram Stoker (1847-1912), auteur du célèbre Dracula, vécut toute sa vie dans la souffrance de l’exil. Une grande partie de son oeuvre est traversée par l’effroi qu’il éprouve devant une Angleterre vampirisant sa terre d’Irlande. Épidémies, fléaux mystérieux et créatures monstrueuses sont autant de métaphores d’un mal venu d’ailleurs : l’opression du peuple irlandais par l’Angleterre.
Le géant invisible, recueil de trois textes, témoigne de ce sentiment de domination.
Mon avis
En réalité, il s’agit ici de deux textes de Bram Stoker et un de sa mère Charlotte.
Le recueil commence par celui-ci intitulé Une nouvelle peste. Paradoxalement, c’est celui que j’ai trouvé le plus effrayant. Il s’agit d’une lettre écrite en 1875. Elle raconte la venue de la peste en 1832 à Sligo, où vivait alors Charlotte âgée de quatorze ans. C’est très bien écrit et comme je le disais il fait peur car il décrit des faits réels et surtout des actes commis par des humains en situation de crise (enterré quelqu’un que l’on sait vivant par exemple, cassé les os d’un homme grand pour qu’il puisse rentrer dans le cercueil alors que lui aussi est vivant, traîné les malades dans les escaliers quitte à les faire mourir d’une fracture du crâne plutôt que de la maladie). Au passage, on « rappelle » dans le livre que Charlotte Stoker était ce que l’on peut appeler une femme de tête. Mère de sept enfants, « elle s’est illustrée de façon remarquable comme l’une des premières suffragettes d’Irlande, s’attachant notamment à la défense des filles-mères, sujet alors tabou en Irlande ».
Le deuxième texte du recueil , c’est donc Le géant invisible. Bram Stoker transpose sous forme de conte l’histoire racontée par sa mère. Une petite fille, orpheline, amie des oiseaux car elle a la même voix qu’eux, habite un pays où le géant a été exterminé. Les habitants ont depuis une vie des plus dissolues. Un jour, elle voit un nouveau géant arrivé mais elle est seule à le voir. Elle prévient tout le monde mais personne ne la croit sauf un vieil homme. Arrivera ce qui devait arrivé : le géant est en réalité la peste et décime toute la ville avant de s’en aller. Alain Puzzuoli voit dans cette nouvelle une image de l’oppression de l’Angleterre par l’Irlande. À mon avis (et surtout au vue de ses arguments), c’est une interprétation qui se tient bien et qui rend la nouvelle intéressante à relire. En effet à la première lecture, on a plutôt l’impression d’un texte pour enfants. Il est à noter que Le géant invisible était déjà paru en France chez Corti dans le recueil Au delà du crépuscule, recueil initialement écrit pour le fils de Bram Stoker. C’est un recueil qui a l’air décrit d’être bourré d’image de ce type.
Le troisième texte est en réalité le chapitre trois du premier livre de Bram Stoker The Snake’s Pass (mais le texte a été publié la première fois sous la forme d’une nouvelle ce qui justifie la parution ici). Le texte est intitulé Le prêteur d’argent et c’est justement l’histoire d’un prêteur d’argent qui vampirise son voisin en lui volant sa terre à l’aide d’un subtile stratagème. Là encore, Puzzuoli fait remarquer que le vocabulaire employé laisse à penser que le prêteur d’argent symbolise cette Angleterre qui dépouille l’Irlande. C’est le texte qui m’a le plus frustré car on sent qu’il manque quelque chose, en gros le reste de l’histoire. En effet, ici c’est un extrait du chapitre trois (et pas la nouvelle) qui a été traduit donc il y a des éléments en trop et d’autres (comme une belle chute) qui manquent.
En conclusion, c’est un recueil différent de L’homme de Shorrox, qui ne me marquera pas plus que ça, mais qui me donne une folle envie de lire Au delà du crépuscule, Le scarabée de Richard Marsh et L’anneau de Toth d’Arthur Conan Doyle (suite à un commentaire qui rapproche ces œuvres de La Pierre de Lune (« un personnage venu d’un pays lointain apporte le mal en Angleterre »).
Livre lu dans le cadre du challenge « English Classics » de Karine:).
Références
Le géant invisible suivi de Le Prêteur d’argent – en préambule Une nouvelle peste par Charlotte Stoker – traduction de l’anglais par Jean-Pierre Krémer – postface de Alain Pozzuoli (éditions Mille et une nuits, 2001)
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