C’est un livre que j’ai découvert complètement en fouillant sur internet car oui, il fallait absolument que je lise un auteur estonien. Je l’ai donc fait venir à la bibliothèque sans avoir vu que sur la couverture il y avait écrit nouvelles. J’étais un peu déçue en revenant avec le livre à la maison mais il s’est avéré qu’au final c’est une très bonne surprise car les nouvelles sont très bien troussées.
Si j’ai bien compris la préface, ce recueil est un recueil fabriqué par l’éditeur française pour faire connaître l’auteur. On peut donc penser que c’est un choix des « meilleures nouvelles ». Il y a donc onze nouvelles, et à mon avis aucune n’est plus faible que l’autre. Elles sont différentes tout en formant un tout cohérent. Il n’y a donc rien à redire quant à cette création de l’éditeur.
Arvo Valton, né en 1935 à Tallin, a écrit la plupart de ses textes lorsque l’Union Soviétique occupait encore son pays. Il s’est fait une spécialité de croquer des situations quotidiennes, en y introduisant de l’absurde, du farfelu. Je vais essayer de faire un résumé d’une phrase pour chaque nouvelle :
- Le porteur de flambeau : un homme se réveille dans une morgue et essaie d’expliquer au gardien qu’il doit sortir car il n’est pas vraiment mort.
- Dans une ville étrangère : un homme trouve le cadavre de son meilleur ami, qu’il ne connaissait pas, dans une ville étrangère. S’en suit un dialogue de sourd avec la police.
- Le collet : un homme se retrouve devant un piège absurde au milieu d’un champ et se demande qui peut bien tomber dedans.
- Le messager : un homme arrive, sur son cheval, dans une ville en prétendant avoir un message. Toute la ville est dans l’expectative de connaître ce fameux message …
- Le tonneau : un homme décide d’habiter dans un tonneau pour montrer à l’humanité qu’on peut se contenter de peu mais l’administration tatillonne lui cherche des noises.
- Le courant d’air (c’est ma préférée) : l’appartement d’un couple se retrouve envahi par des passants qui ne veulent plus faire le tour de l’immeuble et prennent donc le chemin le plus direct (quoique, ils montent jusqu’au troisième étage tout de même).
- Tous comprenaient : un homme arrive au travail et décide de ne pas travailler, boit, s’endort sur sa table de travail … Tout le monde se demande dans l’entreprise ce qui se passe.
- Événement littéraire à Mustamäe : un homme cherche désespérément son codétenu, un écrivain espagnol, pour lui rendre les affaires qu’il a oubliées en prison. Le problème est qu’il arrive un peu tard.
- Le gâteau : un jeune couple veut choisir un gâteau dans une pâtisserie. Le vendeur un peu spécial leur en déconseille un qu’ils prendront tout de même.
- Les harengs : un homme croise une femme dans un parc qui essaie de le persuader qu’elle n’est pas un hareng.
- L’amour à Mustamäe (la plus jolie et originale) : un homme emménage dans un appartement, tombe amoureux de sa voisine d’en face d’un amour bien particulier dont naîtra une petite fille.
Comme il est dit dans la préface, l’auteur mêle à son récit qui peut paraître absurdes, des détails réalistes, clin d’œil à la réalité estonienne, compréhensible par ceux qui la vivent. Clairement, ce sont des allusions qu’un lecteur francophone lambda ne peut pas comprendre facilement. Pourtant ces nouvelles valent le coup d’être lu.
Pour admirer l’art de l’auteur en premier lieu. Enfin une personne qui respecte l’idée qu’une nouvelle est un récit ramassé. avec un nombre restreint de personnage, avec une véritable histoire à l’intérieur. (Je trouve qu’il y a beaucoup d’auteurs qui pensent que les nouvelles sont des bouts de romans, que l’on peut laisser voguer les personnages, ne donner aucune fin, même ouverte au texte ; c’est ce qui me déprime en général dans les nouvelles). Ici, on a 11 nouvelles pour 180 pages avec une mise en page aérée. Chaque nouvelle créé un/son univers. Il n’y en a pas une qui n’a pas une chute, un détail qui fait sourire.
J’en viens à la deuxième raison de pourquoi ces nouvelles doivent être lus : pour pouvoir sourire à des petits détails de rien du tout, à des petites trouvailles qui vous font voir un court moment votre monde autrement. Comme je l’ai écrit, Le courant d’air est ma nouvelle préférée. Pendant ma lecture, d’abord je souriais bêtement (je crois que j’ai fait un adepte de mon livre dans le RER) mais en plus je m’imaginais la scène. Cela aurait pu tout à fait se produire. Qui n’a jamais vu un chemin non officiel, tracé à force de passage, dans les bois, dans les parcs par exemple.
Une très bonne excursion dans la littérature estonienne.
Références
Le porteur de flambeau de Arvo VALTON – préfacé et traduit par Antoine Chalvin (Éditions Viviane Hamy, 1992)
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