Continuons un peu sur le thème train et littérature.
J’ai reçu ce livre dans le cadre de l’opération Masse Critique de Babelio. J’ai reculé le moment de faire ce billet jusqu’au dernier moment car je ne voyais pas du tout comment parler de ce livre. Si je vous dis que les mots-clés sont Russie, Transsibérien, Cendrars, Voyage, Livres, cela va paraître évident pour ceux qui passent régulièrement par ici que j’ai adoré. Je me disais que j’allais être obligée de répéter la quatrième de couverture. Est-ce que franchement cela vaut la peine de m’envoyer un livre pour que je recopie la quatrième de couverture ?
Je vais quand même le faire un petit peu tout en commençant par souligner que l’objet livre en lui-même est très beau. Le papier est agréable au toucher, la couverture et les rabats sont solides mais ce que j’ai le plus apprécié, c’est la carte en couleur des différents trains qui traversent la Russie.
Ce livre a paru aux éditions de La Baconnière, éditions suisses, en activité depuis 1927. J’espère que vous aussi vous avez honte de ne pas connaître des éditions aussi vénérables (en fait, en regardant le site internet, je connaissais un seul livre d’eux N.N. de Gyula Krúdy, dont il font paraître un autre livre cet automne). Cet ouvrage fait partie d’un nouvelle collection, collection quatre-vingts mondes qui visent au « dépaysement littéraire ».
1913 : parution de La Prose du transsibérien de Blaise Cendrars.
2013 : une équipe de la radio suisse est partie avec Christian Garcin sur les traces du plus mythique des voyages en transsibérien !
De cette équipée sortira des chroniques radios en 2013-2014, qui ont été remaniées pour faire ce livre. Le livre est très court, 113 pages, et est composé de 11 chapitres qui sont donc court, abordant chacun une étape du voyage en train.
Je rapprocherai volontiers Christian Garcin de Olivier Rolin, dont il parle d’ailleurs dans le livre, pour l’amour de la Russie et la manière de voyager.
Christian Garcin mélange tellement habilement culture, Histoire, actualités, anecdotes, rencontres, souvenirs, sentiments que vous êtes clairement obligés de voyager avec lui. Par exemple, dans le premier chapitre, il réfléchit sur l’évolution de la Russie pendant ce siècle séparant la parution du livre de Blaise Cendrars et son propre voyage. Il fait aussi allusion à une princesse de l’Altaï retrouvée récemment, aux légendes du lac Baïkal, au pénitencier de Krasnokamensk où a été emprisonné Khodorkovsky, à Michel Romanov, fondateur de la dynastie des Romanov, à Sverdlovsk, bolchévique qui a donné l’ordre d’assassiner le tsar et sa famille, aux aviateurs Liapidevski et Vodopiadonov, héros de l’union soviétique.
En un nombre de pages réduit, vous avez un concentré d’érudition qui vous fait vous sentir un peu plus intelligent en terminant le livre.
Ce qui distingue ce récit d’autres sur le même sujet est son caractère hautement littéraire. Christian Garcin fait en permanence le lien avec ses lectures. Vous retrouvez à la fin du livre tous les livres cités, corpus formant une bibliothèque de base pour commencer à voyager en Russie et en Chine puisque Christian Garcin est allé jusqu’à Pékin, comme l’indique le titre (le passage à la frontière est d’ailleurs tout à fait intéressant.
J’ai écrit cet avis aujourd’hui (c’est un peu le dernier jour) car j’ai commencé ce matin à lire un recueil que j’avais acheté cet été Lire c’est vivre plus paru à l’Escampette. C’est un recueil de six textes et de citations et il s’avère que les deux premiers textes sont de David Collin et Christian Garcin, respectivement éditeur et auteur de ce livre-ci. Il y a parlent de ce que pour eux veut dire la phrase lire c’est vivre plus. Je vais vous mettre deux extraits du livre de l’Escampette, le premier est de David Collin et le deuxième de Christian Garcin.
La lecture nous aide à constituer le Livre de notre vie. La mémoire ajoute des pages invisibles, en efface d’autres, retient ce qu’elle veut, nourrit nos expériences, ouvre nos yeux, décide du lendemain, nourrit le présent en le rendant moins éphémère, et nous permet de comprendre le passé. L’intensité n’est pas dans l’accélération du mouvement. Elle est dans le ralentissement de l’interprétation, dans l’élargissement des perceptions, des espaces où le temps est plus élastique et vivant. En cela, lire, c’est ouvrir des brèches, faire mine de maîtriser le temps en inventant des dimensions parallèles.
Est-ce que lire, c’est vivre plus, je n’en sais rien. Mais c’est probablement, parfois, vivre un peu plus haut.
Pour préparer la lecture du livre de Christian Garcin et avoir les étapes du voyage dans la tête, j’ai lu une BD Un voyage en Transsibérien de Bettina Egger. J’ai adoré cette BD car elle m’a appris beaucoup de détails que je ne connaissais pas mais elle est complètement différente de ce livre-ci. Bettina Egger est une grande voyageuse. Elle aime rencontrer les gens et raconter leurs vies. Elle les dessine avec la même curiosité. Vous partez, à l’aventure, sac à dos au dos avec elle. Le livre de Christian Garcin est plus littéraire. Vous êtes dans l’élargissement de vos perceptions, dans la création de liens pour élargir votre monde qui est constitué de ce que vous voyez, de ce que vous lisez, de qui vous rencontrez. Vous êtes moins sur le terrain, mais juste « un peu plus haut ». Les deux livres amènent des choses complètement différentes. C’est à vous de voir comment vous préférez voyager (littérairement).
Vous pouvez aussi trouver un billet vers le blog de Florence.
Références
Le Lausanne-Moscou-Pékin de Christian GARCIN (éditions La Baconnière, 2015)
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