L’image illustre l’intérieur du livre (la première page quand on ouvre le livre et la dernière quand on le ferme). Ces jolis intérieurs sont la marque de fabrique des éditions Persephone puisque toutes les couvertures sont grises avec un rectangle blanc pour le titre (comme le livre dont je vous ai parlé ici). Il existe des éditions moins chers où la couverture est conventionnelle (avec image …) mais la mise en page du livre est identique.
Je continue mon exploration du catalogue de cette maison d’édition par un titre de l’Écossaise Mrs (Margaret) Oliphant (1828-1897), écrivaine victorienne en puissance. L’ouvrage rassemble deux nouvelles, très atypiques, The Mystery of Mrs Blencarrow et Queen Eleanor and Fair Rosamond.
Vous allez avoir l’impression que je dévoile beaucoup de l’histoire mais en fait, pour nous, lecteur moderne, le mystère semble évident tellement nous sommes habitués aux manipulations en matière amoureuse dans les romans.
La première histoire parle d’une femme, Mrs Blencarrow, veuve, hautement respectée dans son entourage (géographique et personnel). Elle gère seule (comprendre sans l’aide d’un homme) ses nombreux enfants, leurs fortunes car son mari l’avait jugée comme une femme avisée qui pouvait très bien se débrouiller toute seule. Elle est très bien secondé par un homme de confiance, Mr. Brown. Bien sûr, les gens du voisinage admirent mais sont extrêmement jaloux. Alors, quand par le plus grand des hasards, on apprend que Mrs Blencarrow s’est marié en secret … Les ragots commencent à circuler … Le pire est que ce mariage a eu lieu il y a trois ans ! Elle était veuve mais tout de même. Bien sûr, personne ne pense à se renseigner sur l’identité du mari. On comprend très vite que c’est le fameux Mr. Brown, même si Mrs Oliphant ne l’annonce pas avant la toute fin de cette nouvelle de 100 pages. Ils vivent leur amour en secret des enfants, du voisinage (même de nous).
À la lecture, cette nouvelle m’a paru incompréhensible. Elle était veuve, bon sang de bon soir ! J’ai lu ensuite la postface du livre, écrite par Merryn Williams, qui explique la vie de Mrs Oliphant mais aussi le contexte de cette nouvelle. D’après la postface, l’allusion est très claire à la reine Victoria, qui quand elle a perdu son mari en 1861, s’est vu soupçonné d’avoir une liaison avec un de ses domestiques, John Brown. Elle aussi était veuve, elle aussi avait beaucoup d’enfants à charge (9 si je ne me trompe pas). Il était humain qu’elle connaisse de nouveau l’amour à quarante ans (âge qu’a aussi Mrs Blencarrow dans la nouvelle). Visiblement non. La postface explique que les enfants dans le cœur des héroïnes de Mrs Oliphant tiennent un plus grand rôle dans leurs vies que leur féminité (c’était vraie aussi pour ma mère). Cela s’explique aussi parce que c’était ce que vivait l’auteur dans sa vie personnelle. Elle avait une famille nombreuse à charge et il est reconnu qu’elle n’a pas écrit que des chefs d’œuvre car elle était obligée d’écrire vite.
La deuxième nouvelle, d’une centaine de pages, est aussi absolument extraordinaire ! Avez-vous déjà lu dans des livres écrits à cette époque une histoire de double vie, dans le sens un homme est marié avec une femme puis en épouse une seconde. J’avais lu des histoires où on croyait le mari/la femme morte mais en fait ce n’était pas vrai mais la femme/le mari se sont mariés entre temps. Dans cette nouvelle, c’est clairement assumé ! Un homme, la cinquantaine, marchand à Liverpool, bien établi avec plein d’enfants est secondé avec succès par sa femme qui est clairement un élément de sa réussite. Tout à coup, il prétexte des voyages d’affaires à Londres qui doivent se répéter souvent car les affaires péricliteraient là bas. Là encore, lectrice moderne, j’avais flairé la double vie ! J’étais cependant fasciné par le fait de savoir si elle allait l’écrire. Oui, elle l’a fait. Le mari écrit un jour à la femme qu’il est malade et qu’il reste à Londres plus longtemps que prévu, la femme se précipite à Londres, ne le trouve pas au départ, le cherche et le trouve comme un jeune marié dans la maison d’une jeune demoiselle. Là encore, la première réaction est comment sauvegardé les enfants d’une telle infamie et cela va être l’obsession de la femme bafouée. J’ai trouvé cette nouvelle étonnante de modernité.
Un très bon recueil à mon avis, mais un peu triste car c’est tout de même deux mariages qui échouent.
Références
The Mystery of Mrs Blancarrow, suivi de Queen Eleanor and Fair Rosamond de Mrs Margarat OLIPHANT – postface de Merryn Williams (Persephone Books numéro 89, 2010)
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